Au lendemain de la création d'un fonds d'aide à la rébellion, les chefs de la diplomatie des 28 pays membres de l'Alliance atlantique, qui ont réagi de façon contradictoire à la crise libyenne, se réunissent pour deux jours à Berlin.
AFP - L'Otan va avoir jeudi à surmonter de sérieuses divergences sur la conduite de l'intervention militaire en Libye, au lendemain de la décision du Groupe de contact sur la Libye, réuni au Qatar, de créer un fonds d'aide à la rébellion.
Les débats entre les ministres des Affaires étrangères des 28 pays de l'Alliance atlantique, qui ont dès le début de la crise libyenne le 15 février réagi contradictoirement, pourraient être difficiles, la France et le Royaume Uni demandant que davantage d'alliés bombardent à leurs côtés les troupes de Mouammar Kadhafi.
Accord entre Paris et Londres
A la veille de cette réunion à Berlin, jeudi et vendredi, le président français, Nicolas Sarkozy, et le Premier ministre britannique, David Cameron, sont tombés d'accord sur la nécessité d'accroître "la pression militaire" sur Kadhafi, qui "reste déterminé à maintenir son effort de guerre contre sa propre population".
La secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, qui doit également participer à la réunion, a dénoncé quant à elle les "attaques sauvages et continues" du régime Kadhafi contre des civils et de "nouvelles atrocités", faisant état d'informations selon lesquelles ses forces ont fait usage d'artillerie et de mortiers contre des zones résidentielles de Misrata (ouest) et coupé l'eau et l'électricité dans la ville.
Lors de sa réunion mercredi à Doha, le Groupe de contact a souligné la nécessité de fournir aux rebelles qui tiennent l'Est de la Libye les moyens de se défendre, tout en se refusant à inclure explicitement dans cette aide des équipements militaires.
Une vingtaine de pays et d'organisations y ont participé, sous la coprésidence de la Grande-Bretagne et du Qatar, près de quatre semaines après le début, le 19 mars, d'une intervention militaire multinationale sous mandat de l'ONU.
"Mécanisme financier temporaire"
Selon le communiqué final, le Groupe de contact a décidé "la mise en place d'un mécanisme financier temporaire" pour doter le Conseil national de transition (CNT), organe politique de la rébellion, "des moyens pour gérer les aides et répondre aux besoins urgents" des régions contrôlées par la rébellion.
Aucune indication n'a été donnée sur la dotation de ce fonds, mais la rébellion a indiqué qu'elle attendait que des fonds gelés dans le cadre des sanctions contre le régime Kadhafi soient mis à sa disposition.
Le Groupe a reconnu le CNT comme le représentant "légitime" du peuple libyen et réitéré la nécessité du départ du colonel Kadhafi pour mettre un terme à la crise.
Il a également décidé de fournir un soutien à la rébellion, y compris "un soutien matériel" dans le cadre des résolutions 1970 et 1973 de l'ONU, qui prévoient notamment un embargo sur les armes.
Interrogés sur la portée de cette décision, les ministres britannique et italien des Affaires Etrangères, William Hague et Franco Frattini, ont semblé diverger.
M. Hague a évoqué la fourniture de moyens de communications, mais M. Frattini a estimé que "la résolution 1973 n'interdit pas de fournir des armes, des armes non offensives, des armes d'auto-défense".
Le Premier ministre du Qatar, Hamad ben Jassem ben Jabr Al-Thani, a souligné que "le peuple libyen a le droit d'assurer sa défense face aux attaques continues des forces pro-Kadhafi" et que "l'autodéfense nécessite des équipements, qui ne soient pas offensifs mais défensifs".
"Pas question" de distribuer des armes
Le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, a pour sa part précisé à propos du soutien aux rebelles qu'il était envisagé de "les aider à se financer, à se renforcer" mais qu'il "n'a pas été question de livraisons d'armes".
La rébellion a indiqué qu'elle pourrait demander à certains Etats de la coalition internationale des armes "défensives" pour protéger les civils. Mahmoud Chammam, responsable de l'information au sein du CNT, a exclu que le Conseil finance l'achat d'armes grâce au nouveau fonds, assurant que ce dernier devrait "répondre aux besoins de base du peuple libyen".
"Il est important que la coalition montre sa totale détermination à protéger les populations civiles, à faire cesser les sièges, dignes du Moyen-Age, de Misrata et Zenten (ouest), et à faire rentrer les troupes de Kadhafi dans leurs casernes", a indiqué une source française à l'issue de la réunion de MM. Sarkozy et Cameron à Paris.
Les Etats-Unis qui avaient pris le commandement de la coalition dans un premier temps, avant d'annoncer le retrait de leurs appareils d'attaque au sol, ont révélé mercredi que des avions de combats américains bombardaient toujours la défense aérienne libyenne.
Les Brics pas d'accord
Les cinq pays émergents du Brics -- Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud --, réunis jeudi à Sanya, en Chine, se sont prononcés contre l'usage de la force en Libye et au Moyent-Orient.
Seule l'Afrique du Sud avait voté en faveur de la résolution de l'ONU ouvrant la voie aux frappes aériennes en Libye, les quatre autres pays -- notamment Chine et Russie, membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU -- s'étant abstenus, craignant des victimes civiles.
Sur le terrain, les forces rebelles ont repris la ville stratégique d'Ajdabiya (est), à 160 km au sud de Benghazi, théâtre de combats meurtriers ces derniers jours, mais les unités pro-Kadhafi y maintenaient leur pression.
Deux fortes explosions ont retenti mercredi à Tripoli. L'Otan a annoncé avoir bombardé des dépôts de munitions près d'Al-Aziziya, à une vingtaine de km au sud-ouest de la capitale.
Plus tôt, l'agence officielle libyenne avait fait état de raids aériens de l'Otan sur Misrata et Al-Aziziya (ouest) ainsi que sur Syrte, la ville natale du colonel Kadhafi, à 600 km à l'est de Tripoli.
Le vice-ministre libyen aux Affaires étrangères, Khaled Kaaim, a indiqué mercredi soir que le Qatar fournissait des missiles antichars français de type Milan aux rebelles à Benghazi (est) et accusé des éléments de Hezbollah libanais de combattre aux côtés des insurgés à Misrata.
Le nouveau ministre libyen des Affaires étrangères, Abdelati Laabidi, doit rencontrer jeudi à Chypre son homologue chypriote, Marcos Kyprianou.