Acceptée dimanche par le camp Kadhafi, la feuille de route proposée par l'Union africaine (UA), est présentée ce lundi aux insurgés, à Benghazi. Sceptiques, les rebelles se méfient des promesses de cessez-le-feu du dirigeant libyen.
L’Union africaine (UA) est-elle en mesure de changer la donne en Libye ? C’est aujourd’hui une hypothèse sur laquelle table la délégation des cinq présidents de l'UA après que le camp Kadhafi a accepté dimanche une "feuille de route" pour la paix.
Le panel de médiateurs doit rencontrer ce lundi à Benghazi les insurgés pour les convaincre de suivre ce document de sortie de crise, premier pas vers un cessez-le-feu et vers l’ouverture d’un dialogue politique entre le régime de Kadhafi et l'insurrection.
Le départ de Kadhafi, pierre d'achoppement des discussions
L’entreprise de persuasion s’annonce pourtant délicate pour les médiateurs de l’UA arrivés ce lundi dans la "capitale "des insurgés. Car outre la proposition de cessez-le-feu et la mise en place d’une période de transition, pas un mot de cette feuille de route ne mentionne l'éventualité d'un départ de Kadhafi – condition sine qua non aux yeux des rebelles pour un arrêt des combats.
Quelques heures avant la rencontre avec les médiateurs africains, les insurgés avaient déjà réitéré leurs principales revendications : le départ de Kadhafi, le retrait des troupes gouvernementales, et le respect de la liberté d'expression.
"Il sera compliqué de leur faire accepter une trêve des combats si la feuille de route n’écarte pas d’emblée le colonel libyen du pouvoir", explique Tatiana Massad, envoyée spéciale de FRANCE 24 en Libye. Derrière la journaliste, une foule de manifestants en colère s’étaient massés devant l’hôtel où se tient actuellement la rencontre entre les leaders du Conseil national de transition (CNT) et les médiateurs de l’UA.
- La cessation immédiate des hostilités
- La facilitation de l’acheminement de l’aide humanitaire aux populations
- Le lancement d’un dialogue entre régime et insurrection, en vue d’une période de transition et de la mise en œuvre de réformes politiques
"Les rebelles doivent privilégier l’option politique"
Autre difficulté pour les médiateurs de l’UA : convaincre les insurgés de la bonne foi du colonel Kadhafi. "Le monde a déjà entendu ces offres de cessez-le-feu et 15 minutes après, [Kadhafi] recommençait à tirer", a affirmé Chamseddine Abdelmaoula, le porte-parole du CNT.
Affaiblis militairement, retranchés sur la frange est du pays, les rebelles sont-ils vraiment en position de négocier un plan de paix ? Les insurgés savent qu'il leur faut pourtant trouver une issue. "Ils attendent cette délégation car ils savent qu’ils n’ont plus le choix. Ils doivent privilégier l’option politique à celle militaire", explique encore Tatiana Massad.
L’Otan intensifie ses frappes
Sur le terrain, la situation n’est plus à l'avantage des insurgés. "On estime que le conflit a fait environ 15 000 victimes", estime l’envoyée spéciale de FRANCE 24. "Il y a chaque jour de nouveaux tués et dans une semaine, des produits alimentaires viendront à manquer", ajoute-t-elle.
Selon des sources médicales, les combats ont fait au moins 23 morts depuis samedi à Ajdabiya et à Misrata.
L'Otan – qui a "pris note" de la feuille de route de l’Union africaine – a annoncé qu’elle poursuivra ses frappes aériennes tant que le régime libyen constituera une menace pour les civils. L’Alliance avait déjà intensifié, dimanche, ses bombardements contre les forces fidèles à Kadhafi pour tenter de desserrer leur étau sur la ville de Misrata, et entraver leur progression dans l'est du pays.
L'Alliance atlantique déclare par ailleurs avoir détruit 11 chars aux abords de la ville insurgée d'Ajdabiyah, qui semblait sur le point de tomber dimanche, et 14 près de Misrata, seul bastion insurgé dans l'ouest de la Libye.