La répression n'a pas dissuadé le mouvement d'opposition au président Bachar al-Assad d'entamer sa quatrième semaine de protestation. Le porte-parole de la Commission arabe des droits de l'Homme, Haytham Manna, répond aux questions de FRANCE 24.
Onze ans après son accession au pouvoir en Syrie, le président Bachar al-Assad est confronté depuis la mi-mars à un mouvement de contestation populaire sans précédent.
Dimanche, la tension reste palpable, deux jours après des manifestations qui ont fait 26 morts à Deraa (sud), épicentre de la contestation contre le régime. Originaire de cette ville et exilé volontaire en France, le porte-parole de la Commission arabe des droits de l'Homme, Haytham Manna, répond aux questions de FRANCE 24.
FRANCE 24 : Quel est aujourd'hui le bilan du soulèvement en Syrie ? Par qui est orchestrée la répression ?
Haytham Manna : Jusqu’ici, nous avons une liste de noms de180 personnes qui ont été tuées en Syrie depuis le début du soulèvement. La ville de Deraa compte, à elle seule, 130 victimes. Il faut aussi compter une quarantaine de personnes portées disparues et 600 autres arrêtées par les forces de sécurité.
Quant à savoir qui donne l’ordre de tirer à balles réelles sur la foule, il existe deux hypothèses. Soit les ordres sont centralisés par la tête du pouvoir et dans ce cas là, ceux qui tirent sur les citoyens doivent être jugés, le président Bachar al-Assad compris. Dans l’autre hypothèse, les ordres ne sont pas centralisés et, dans ce cas, le président syrien doit se distinguer des criminels et les faire traduire en justice. Qui gouverne la Syrie ? Les services de sécurité, le président ou son jeune frère Maher al-Assad ? La question est aujourd’hui encore sans réponse.
F24 : Où peut mener ce soulèvement, à quelle condition peut-il s’arrêter ?
H. M. : Il y a eu une fin de non-recevoir de la part de l’ensemble de la population au discours du président Assad qui a multiplié les promesses. Ni lui, ni son entourage ne sont capables de répondre rapidement aux revendications du peuple. Malgré le nombre de victimes et les provocations du régime qui essaye de faire basculer le soulèvement dans la violence pour mieux le discréditer, la population continue de manifester pacifiquement.
La liberté est la première des revendications. Elle ne sera effective qu’après la levée de l’état d’urgence en vigueur depuis 1963, et la modification de la Constitution pour instaurer un État de droit garantissant les différentes libertés. Il est nécessaire de s’attaquer à la corruption qui ronge le pays depuis des années. Et ce, afin de mettre un terme au régime autoritaire en Syrie. Il y a une impatience, et un désir d’aller jusqu'au bout, comme pour les Égyptiens et les Tunisiens.
F24 : Le régime semble pourtant bien résister face à la pression populaire. Aura-t-il raison du soulèvement ?
H.M. : Malgré la répression, le régime autoritaire n’est pas aussi fort qu’on ne le croit. Il est certes dans une position de force face à une opposition politique organisée. Mais face au peuple, il est en plein désarroi. Face aux jeunes, que le pouvoir ne connaît pas, les méthodes traditionnelles des forces de sécurité ne marchent plus.
L’accumulation des révoltes et le phénomène de désobéissance civile rythment ce soulèvement qui prend de l’ampleur. C’est terminé, quelque chose a définitivement changé en Syrie, il n’y aura pas de retour en arrière.