Le numéro 2 allemand de l’énergie nucléaire RWE conteste la décision gouvernementale de fermer un de ses plus vieux réacteurs et remet en cause le moratoire récemment décidé par Angela Merkel. Avec des chances de succès.
Coup d’éclat nucléaire en Allemagne. RWE, le numéro 2 allemand du secteur nucléaire (et numéro 3 mondial), a déposé une plainte, ce vendredi, contre la décision du gouvernement de fermer provisoirement un de ses réacteurs. Le géant de l’énergie juge illégal le moratoire sur le nucléaire instauré par la chancelière Angela Merkel, le 18 mars.
Une démarche qui pourrait réduire à néant l’une des décisions gouvernementales les plus
populaires de ces dernières semaines. Les sympathisants de la cause anti-nucléaire en Allemagne et ailleurs dans le monde avaient jugé cette réaction appropriée après la catasprophe nucléaire survenue au Japon, conséquence du séisme et du tsunami du 11 mars.
"Nos réacteurs remplissent toutes les conditions de sécurité imposées par la loi allemande. Il n’y a donc aucun argument légal pour les fermer", estime RWE dans un communiqué de presse mis en ligne vendredi matin. Contacté par FRANCE 24, l’entreprise n’a pas voulu donner plus de détails.
Dans le cadre du moratoire, les autorités allemandes avaient décidé de fermer pour trois mois les huit plus vieux réacteurs encore en activité, dont deux appartiennent à RWE.
Le numéro 1 mondial ne suit pas RWE
La contre-attaque de RWE prend l’opinion publique allemande à rebrousse-poil. Le message des anti-nucléaires a en effet gagné en force ces derniers jours. Dimanche, les Verts, alliés aux sociaux démocrates du SPD, ont d'ailleurs remporté une victoire électorale historique en Bade-Wurtemberg, le land (région administrative allemande, NDLR) le plus riche du pays. Un succès largement dû à la fronde anti-nucléaire des écologistes.
"C’est une démarche brutale [de déposer une plainte, NDLR] qui souligne que RWE n’a aucun égard pour l’intérêt général et l’opinion publique et ne pense qu’à ses profits", regrette Karsten Smid, le M. Nucléaire de Greenpeace Allemagne.
Une plainte qui jette aussi dans l’embarras les autres acteurs du secteur, notamment E.ON, le numéro 1 mondial de l’énergie nucléaire. Ce dernier, qui a dû fermer deux réacteurs, a décidé vendredi de ne pas porter plainte. "Nous en avons longuement discuté ce matin et nous estimons qu’il n’est pas possible dans le contexte d’émotion actuel d’avoir un débat raisonnable sur cette question", explique à FRANCE 24 Christian Drepper, porte-parole d’E.ON.
Un moratoire mal ficelé
Pour autant, le porte-parole d'E.ON comprend la démarche juridique de son concurrent. "Nous avons également des doutes sur la légalité de la décision de fermer des réacteurs", ajoute-t-il.
D’ailleurs, tout le monde semble d’accord sur ce point : le moratoire est mal ficelé. Il repose sur un texte de loi qui ne permet de fermer des réacteurs qu’en cas "de danger immédiat pour la vie des personnes". "D'une part, ce danger immédiat n'est pas prouvé, et d'autre part, si un réacteur est jugé dangereux, il faut le fermer définitivement, pas seulement pour trois mois", souligne à l’AFP Martin Morlok, professeur de droit à l'université de Düsseldorf.
Une erreur de débutant du gouvernement d’Angela Merkel ? Pour le responsable de Greenpeace Karsten Smid, Berlin a soit agi dans l'urgence sans réfléchir, soit volontairement aménagé un moyen pour le lobby du nucléaire de contester ce moratoire.