Manque de coordination des autorités, informations confuses, communication hasardeuse : 18 jours après l'accident nucléaire survenu dans la centrale de Fukushima-Daiichi, les critiques se multiplient à l'encontre du gouvernement japonais.
REUTERS - Alors que le Japon est confronté à une crise sans précédent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les observateurs s'interrogent sur un apparent vide du pouvoir.
Les techniciens s'efforcent depuis le séisme et le tsunami du 11 mars de stabiliser le complexe nucléaire de Fukushima, situé à 240 km de Tokyo, mais l'exploitant, Tokyo Electric Power Co (Tepco), a reconnu que les efforts pour empêcher la fonte du coeur des réacteurs seraient longs et risqués.
"Cet accident nucléaire doit être traité comme un problème de sécurité nationale, pas juste comme un problème pour Tepco, et réglé au plus vite", souligne Toshiro Muto, ancien gouverneur adjoint de la Banque du Japon et aujourd'hui président de l'Institut de Recherche Daiwa.
Selon un sondage publié dimanche par l'agence Kyodo, 60% des personnes interrogées désapprouvent la manière dont le gouvernement gère la crise et plus des deux tiers estiment que le Premier ministre Naoto Kan manque d'autorité.
"Il est très clair qu'il y a beaucoup d'intérêts en jeu et que les personnes impliquées sont trop faibles pour agir de manière décisive et prendre des responsabilités dans la perspective d'une action pragmatique, à long terme", estime Jesper Koll, de JP Morgan Securities.
Selon lui, le Japon devrait faire appel à des experts nucléaires internationaux pour l'aider à stabiliser une situation qui semble empirer.
Le ministre français de l'Industrie, Eric Besson, a annoncé lundi que Tepco avait demandé l'appui d'EDF, d'Areva et du Commissariat à l'Energie atomique.
La frustration monte parmi ceux qui ont dû quitter leur domicile situé à proximité de la centrale. Le gouvernement a ordonné l'évacuation des personnes habitant dans un rayon de 20 km et il a conseillé de partir à ceux qui habitent dans un rayon de 20 à 30 km.
"Ce qui est effrayant, c'est la radioactivité", confie Mitsuharu Watanobe, un professeur retraité qui a dû quitter sa maison située à 25 km de la centrale accidentée. "Il y a un fossé entre ce qu'écrivent les journaux et ce que dit le gouvernement. Je veux que le gouvernement dise davantage la vérité".
Aucune vision globale
Yukio Edano, secrétaire général et porte-parole du gouvernement, a néanmoins été salué pour la manière dont il tente de tenir le public informé, en tenant des conférences de
presse deux fois par jour.
Mais beaucoup doutent qu'il maîtrise la situation.
Et il dépend des informations que lui fournit Tepco, qui sont souvent confuses et contradictoires.
Lundi, Edano a jugé "absolument impardonnable" que Tepco se soit trompé dans ses relevés du taux de radioactivité à Fukushima.
Prié de dire si les équipements sous pression de l'un des réacteurs étaient endommagés, il a renvoyé son interlocuteur à l'agence de sûreté nucléaire.
Des observateurs estiment que le gouvernement ne contrôle pas assez Tepco, accusé d'avoir déjà passé sous silence certains incidents, et ils dénoncent un manque de coordination entre le gouvernement, les instances de contrôle et l'entreprise.
Kan a de son côté donné trois conférences de presse depuis le début de la crise et il est resté pratiquement invisible le reste du temps. Il ne s'est pas encore rendu dans la région du nord-est frappée par le tsunami, mais les médias ont rapporté qu'il avait l'intention de le faire le 2 avril.
Le Premier ministre a été critiqué pour avoir survolé le complexe nucléaire au lendemain du tsunami mais Edano a démenti que ce survol ait retardé le lancement d'initiatives destinées à éviter une catastrophe.
Signe de ce que le gouvernement se sent dépassé, Kan a nommé samedi Sumio Mabuchi, un ancien ministre des Transports, conseiller spécial sur la crise nucléaire.
Auparavant, un autre ancien ministre, Yoshito Sengoku, avait été nommé adjoint d'Edano chargé des efforts de secours et de reconstruction.
Mabuchi et Sengoku avaient dû quitter le gouvernement en janvier après avoir fait l'objet au Parlement d'une motion de censure déposée par l'opposition pour leur gestion d'un différend territorial avec la Chine.
"Personne n'a une vision globale des choses", déplore le politologue Hirotaka Futatsuki. "Les choses se font de manière parcellaire et Kan n'exerce pas de contrôle général".