
Pour le premier jour de son procès en appel, l'ex-chef de la prison S21 de Phnom Penh a admis avoir supervisé l'exécution de 15 000 personnes entre 1975 et 1979. Tout en assurant n'avoir été qu'un "simple secrétaire" du régime de Pol Pot.
AFP - Il a admis avoir supervisé la torture et l'exécution de 15.000 personnes, mais "Douch", le bourreau khmer rouge, a été présenté lundi par ses avocats comme un "simple secrétaire" du régime de Pol Pot, lors du premier jour de son procès en appel à Phnom Penh.
L'ex-chef de S21, la prison de la capitale entre 1975-1979, condamné à 30 ans de détention en juillet 2010 après des aveux complets, Kaing Guek Eav, alias Douch, s'est présenté devant la cour suprême du tribunal parrainé par les Nations unies avec pour objectif une libération pure et simple.
Ses avocats estiment qu'il n'appartient ni aux cadres supérieurs du régime, sous lequel un quart de la population cambodgienne a disparu dans les années 1970, ni aux plus hauts responsables des crimes perpétrés.
La cour n'étant habilitée à juger que ces deux catégories d'accusés, il se considère hors de sa compétence.
"C'est une question purement légale. Je donne autorité à mes conseils pour agir en mon nom", a-t-il brièvement déclaré aux juges avant de retourner s'asseoir.
"Douch n'était qu'un secrétaire qui n'avait pas d'autorité réelle pour prendre des décisions ou faire quoi que ce soit en contradiction avec la direction ou les ordres fixés par les échelons supérieurs", a résumé Me Kar Savuth, l'un de ses deux avocats.
L'ex-professeur de mathématiques, poursuivi pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, n'avait atteint "qu'un rang très bas" au sein de l'appareil, a-t-il poursuivi.
"Douch n'était qu'un outil utilisé par ces gens et doit en conséquence tomber hors de la juridiction de la cour (...). S'il existe le moindre doute, l'accusé doit être jugé non coupable".
Le premier cadre du régime de Pol Pot à être jugé par la juridiction avait largement coopéré et demandé pardon aux victimes en première instance.
Mais après des aveux circonstanciés, quelques larmes et d'insoutenables récits sur les atrocités qu'il avait dirigées, il avait coupé le souffle aux victimes, à la cour et à son avocat français François Roux, en demandant la liberté. Depuis, il s'est privé des services de Me Roux.
Au cours des trois ou quatre jours d'audience en appel, l'accusation tentera d'obtenir la perpétuité contre celui qui, si le premier verdict est confirmé, sera libérable dans moins de 19 ans.
"C'est un moment risqué pour la défense d'utiliser ce genre d'arguments, qui auraient dû être présentés avant le procès", a relevé Clair (bien: Clair) Duffy, une analyste de l'organisation Open Society Justice Initiative.
"Tout le monde a été surpris quand Douch est passé de l'admission de ses responsabilités et l'expression de remords, à la demande de libération", a-t-elle ajouté. "La question est de savoir si cela va se révéler efficace en appel".
Le verdict n'est pas attendu avant juin. Et le temps sera long pour les rares survivants de S21. "La peine de Douch est tellement faible que je ne peux l'accepter", a expliqué Bou Meng à l'AFP. "Je veux qu'il reste en prison toute sa vie.
Environ deux millions de personnes sont mortes sous la torture, d'épuisement ou de malnutrition dans la mise en oeuvre de l'utopie marxiste délirante et abjecte des Khmers rouges, avant qu'ils ne soient renversés par les Vietnamiens.
"Le frère numéro 1", Pol Pot, est décédé en 1998 sans avoir été inquiété.
Dans quelques mois, doit débuter le procès de quatre hauts dirigeants du régime, dont le "frère numéro deux" et idéologue Nuon Chea. Aucun d'entre eux, à l'inverse de Douch, n'a l'intention de plaider coupable.