Cinglante défaite pour les conservateurs allemands et la chancelière : le Land du Bade-Wurtemberg, qu'ils contrôlaient depuis 1953, a été remporté par les Verts. Le débat sur le nucléaire semble avoir été fatal à la majorité.
AFP - Le camp conservateur-libéral de la chancelière allemande Angela Merkel a perdu une élection régionale cruciale dimanche au profit des Verts sur fond de fronde antinucléaire, selon les résultats officiels provisoires vers 19H30 GMT.
Les Verts et leurs alliés sociaux-démocrates devancent de plus de 3 points de pourcentage les chrétiens-démocrates (CDU) de Mme Merkel, au pouvoir depuis 1953, et leurs alliés libéraux (FDP). Selon les résultats officiels provisoires, CDU et FDP obtenaient 67 sièges contre 71 pour l'alliance Verts/SPD.
Les Verts sont les grands gagnants du scrutin dans le riche Etat du Bade-Wurtemberg (sud-ouest), siège de Daimler, Porsche et bien d'autres industries.
Ils recueillent 24,2% des voix, leur meilleur score jamais enregistré à une élections, qu'elles soient municipales ou fédérale, contre 11,7% en 2006. Ils devraient pour la première fois depuis leur fondation en 1980 gouverner un Land, en s'alliant avec les sociaux-démocrates (SPD) qui ont fait 23,1%, selon ces résultats officiels provisoires.
A l'annonce des résultats, une gigantesque clameur de joie a retenti au QG des Verts. "C'est un rêve qui devient réalité (...) Nous n'aurions jamais pu rêver d'un tel résultat il y a encore quelques jours", a déclaré Franz Untersteller, un porte-parole des Verts.
La politique énergétique, thème décisif de la campagne
La grogne contre la politique nucléaire de Mme Merkel a dominé la campagne depuis l'accident de la centrale japonaise de Fukushima dans ce Land qui accueille 4 des 17 réacteurs nucléaires du pays.
Samedi, des manifestations contre la politique nucléaire et le gouvernement de Mme Merkel avaient rassemblé 250.000 personnes dans quatre grandes villes du pays dont 120.000 à Berlin.
"C'est une soirée difficile (...), nos résultats sont très décevants", a reconnu le chef du FDP et ministre des Affaires étrangères Guido Westerwelle.
"La politique énergétique a été le thème décisif de cette campagne (...) C'était un vote sur l'avenir du nucléaire, nous l'avons compris et nous allons en discuter à Berlin", a-t-il ajouté.
Après l'accident de Fukushima, Angela Merkel a fait mi-mars une volte-face sur le nucléaire, décidant d'un moratoire sur l'allongement de la durée de vie des centrales, qu'elle avait fait voter cinq mois plus tôt. Bien des électeurs ne la jugent plus crédible sur ce dossier.
Pour le ministre fédéral de l'Economie et chef du FDP en Bade-Wurtemberg, Rainer Brüderle, "la crise en Libye et les discussions sur l'euro" ont aussi pesé sur la campagne.
Un camouflet électoral dont l'ampleur dépasse toutes les prévisions
La participation électorale a augmenté en Bade-Wurtemberg, les Verts réussissant à mobiliser à leur profit 265.000 abstentionnistes, selon la chaîne publique ARD.
Ils ont aussi recueilli plus de 15% des voix dans l'Etat voisin de Rhénanie-Palatinat (ouest), où le SPD qui gouvernait seul arrive en tête avec quelque 36% des voix et peut conserver le pouvoir en s'alliant avec les Verts, selon des estimations. La CDU a fait 35% et reste dans l'opposition.
Les Verts font ainsi une entrée fracassante au parlement de Rhénanie-Palatinat, triplant leur score de 2006. A contrario, le parti libéral en est chassé, ayant réuni seulement quelque 4% des suffrages, selon les estimations.
S'ils se confirment, les résultats de ces deux scrutins sur les sept prévus en 2011 sont pour Mme Merkel un camouflet électoral dont l'ampleur dépasse toutes les prévisions. Les conservateurs ont perdu Hambourg (nord) en février, et ont reculé le 20 mars en Saxe-Anhalt (est) après avoir perdu la Rhénanie du nord-Westphalie (ouest) en mai 2010.
La perte du Bade-Wurtemberg réduira la marge de manoeuvre de la coalition conservateurs-libéraux au Bundesrat, chambre haute du parlement, sans pour autant menacer le gouvernement dont le mandat court jusqu'en 2013.