Alors que la pression internationale s'intensifie pour forcer Laurent Gbagbo à quitter le pouvoir, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées à Abidjan, samedi, manifestant leur soutien au président ivoirien sortant.
AFP - Le camp du chef de l'Etat ivoirien sortant Laurent Gbagbo a mobilisé samedi des milliers de partisans près du palais présidentiel à Abidjan, au moment où la pression internationale s'accentue pour le forcer au départ, sur fond de crainte de guerre civile.
La France, ex-puissance coloniale, a annoncé cette semaine avoir déposé un projet de résolution au Conseil de sécurité de l'ONU en vue de faire cesser les tirs à l'arme lourde à Abidjan, qui sont un "scandale" selon le président Nicolas Sarkozy.
Le texte, qui doit être examiné dans les prochains jours, demande explicitement le départ de Laurent Gbagbo et reconnaît son rival Alassane Ouattara comme président légitime après le scrutin de novembre, qui a plongé le pays dans une crise meurtrière.
A l'appel de Charles Blé Goudé, chef des "patriotes" pro-Gbagbo, plusieurs milliers de personnes, essentiellement des jeunes, ont envahi à la mi-journée la place de la République, dans le quartier du Plateau, coeur du pouvoir hérissé de nombreux barrages de jeunes.
"Gbagbo ou rien", "La Côte d'Ivoire appartient aux Ivoiriens", ou "Sarkozy, ce pays est ton terminus", proclamaient des pancartes et des affiches.
M. Blé Goudé a fait son entrée sous les hourras en portant un matelas à l'épaule: ce rassemblement aux allures de camping festif devait se poursuivre toute la nuit avec des séances de prière, pour s'achever dimanche matin.
"Avant d'attaquer Laurent Gbagbo, vous allez (devoir) égorger tout ce monde-là", a-t-il lancé à l'adresse de la communauté internationale, en montrant la foule.
"Il n'y aura pas de guerre civile", a-t-il martelé, s'en prenant à M. Sarkozy mais aussi au président américain Barack Obama, à l'ONU et à la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao).
Alors que Pascal Affi N'Guessan, chef du parti de M. Gbagbo, a accusé M. Ouattara d'être "un mercenaire au service de l'impérialisme occidental", Charles Blé Goudé, en écho à Laurent Gbagbo, a renouvelé son appel au "dialogue" pour "trouver une solution à la crise post-électorale".
L'Union africaine (UA) a enfin nommé samedi un haut représentant à Abidjan, l'ex-ministre cap-verdien des Affaires étrangères José Brito, chargé d'ouvrir des négociations entre les deux camps pour appliquer les décisions prises par l'UA le 10 mars à Addis Abeba: elle reconnaissait M. Ouattara comme président et lui demandait de trouver une "sortie honorable" pour son rival.
Mais M. Ouattara a aussitôt récusé M. Brito pour "ses relations personnelles et ses accointances politiques" avec Laurent Gbagbo.
La crise n'a jamais eu des conséquences si dramatiques pour les Ivoiriens ni suscité autant d'inquiétude à l'extérieur. Plus de 460 personnes ont été tuées dans des violences depuis fin 2010, et un million d'habitants pourraient avoir été déplacés dans le pays, selon l'ONU.
M. Blé Goudé a affirmé que "plus de 100.000" jeunes s'étaient fait enregistrer auprès de l'état-major pour s'enrôler dans l'armée, répondant à son appel du week-end dernier. L'armée a précisé qu'elle appellerait ces recrues au "moment opportun".
Dans l'Ouest comme dans Abidjan, l'heure reste aux affrontements, ainsi qu'à l'usage d'armes lourdes, comme dans les quartiers d'Abobo et Anyama, bastions des insurgés pro-Ouattara dans la capitale économique.
Abobo demeure l'épicentre des combats. Dans le secteur "Samankè", des tirs avaient été entendus vendredi et deux blindés légers des Forces de défense et de sécurité (FDS) loyales à M. Gbagbo étaient visibles à un carrefour, calcinés. Selon des témoins, ils étaient tombés dans une "embuscade" des insurgés, baptisés "commando invisible".
Dans le nord du pays, sous contrôle de l'ex-rébellion pro-Ouattara, la population était depuis mercredi soir privée d'eau et d'électricité, selon des habitants. La Compagnie ivoirienne d'électricité (CIE, privée) en a rejeté la responsabilité sur le gouvernement Gbagbo, qui contrôle le système depuis mi-janvier.
"Les enfants sont malades car ils n'arrivent pas à bien dormir (faute de ventilation, ndlr). Il y a aussi un manque d'hygiène", a confié une habitante de Bouaké, fief ex-rebelle dans le centre du pays.