L'armée des forces loyales à Kadhafi continue de bombarder à l'arme lourde la petite ville de Zintan, bastion de l'insurrection au sud-ouest de Tripoli, qui résiste et se bat contre le régime depuis le 17 février.
Pendant de longues secondes, les hommes hésitent. Tapis derrière un monceau de terre rouge, les insurgés de la ville de Zintan serrent nerveusement leurs vieux fusils. C’est avec ces armes rouillées, vestiges des années coloniales, qu’ils comptent défendre leur ville encerclée depuis plusieurs jours par les forces du colonel Kadhafi.
L’armée loyaliste n’a fait qu’une bouchée des carcasses de voitures carbonisées et des tas de terre utilisés comme barrages par les insurgés pour protéger la ville. Bastion montagnard de l’ouest libyen, à 140 kilomètres au sud-ouest de Tripoli, Zintan est au carrefour stratégique entre les routes qui mènent aux champs pétroliers du sud et aux réserves de munitions à l’ouest.
Un "Allah akbar !" vient soudain briser le silence chargé d’électricité. Un rebelle bondit derrière la montagne et se met à courir vers l’ennemi loyaliste. L’élan d’un seul suffit à réveiller l’ardeur de tous. La dizaine d’hommes fonce, fusil au poing, en direction des chars de l’armée libyenne à une centaine de mètres d’eux.
Malgré les quelques armes récentes que les insurgés ont pu récupérer dans les hangars abandonnés par l’armée, les villageois n’ont aucune chance d’atteindre les soldats qui se trouvent à des dizaines de mètres d’eux. Les insurgés courent sous une pluie de tirs ennemis avant de devoir se replier, sans avoir pu mener l’assaut.
Le combat de David contre Goliath
Hier ingénieur, électricien, ouvrier ou boulanger, aujourd’hui combattants, la plupart des insurgés n’avaient encore jamais tenu un fusil entre leurs mains il y a trois semaines. Et face à ces villageois, avec foulards et vestes de coton comme seule protection, des soldats de métier.
"Cet homme [Mouammar Kadhafi] tue des innocents. Nous n'avons que ces vieux fusils, vous voyez. Et la plupart de ces gens n'ont rien du tout. Ils tirent des obus avec leurs chars sur nos maisons et nos enfants. Ils tirent sur tout", raconte un insurgé, au visage tanné par le soleil froid du désert, à Florent Marcie, l’un des seuls journalistes à avoir rejoint Zintan.
Lundi, les forces loyalistes ont pilonné la ville à l’arme lourde pendant plusieurs heures. Selon des témoins, plusieurs maisons et le minaret d’une mosquée ont été détruits. Mardi, ils sont revenus à la charge, avec plus d’intensité, selon les informations de la chaîne qatarie Al-Jazira.
La ville la plus active des montagnes de l’ouest
Deuxième ville de Libye à s’être soulevée le 17 février, après Benghazi, Zintan est la ville la plus active des "montagnes" de l’ouest. Les hommes, sans protection, sans leader, et sous l’autorité du conseil révolutionnaire de Benghazi, se sont organisés en milices dès le début du mouvement révolutionnaire pour en faire un centre névralgique de l’insurrection.
Même cernée, Zintan tente de venir en aide aux autres villes du pays. Des armes anti-aériennes, prises aux forces de Kadhafi sont cachées dans les environs et des ingénieurs ont installé téléphones, paraboles, connexions satellitaires, pour communiquer avec les autres villes de l’insurrection.
"Même si Zaouiya et Tripoli sont cernées, nous savons comment y accéder et les aider. Les gens de Zintan connaissent bien le désert et savent comment se rendre jusqu’à Zaouiya sans emprunter les routes. Jusqu’à maintenant, nous avons envoyé des médicaments. Nous essayons tous les jours et toutes les nuits de leur faire parvenir de la nourriture et ce dont ils ont besoin", confie Adel, un jeune ingénieur au micro de Gaëtan Vannay, envoyé spéciale de Radio Suisse Romande à Zentane.
Malgré la simplicité des moyens, les insurgés ont remporté quelques victoires contre l’armée de Kadhafi dont ils ont appris à se méfier depuis des années.
"Les forces de Kadhafi ont attaqué la ville de Zintan. Ils voulaient rentrer dans la ville pour la détruire, les tanks sont arrivés ici mais nos forces ont tendu une embuscade. Nous avons capturé trois tanks", explique un insurgé à Florent Marcie. Pourtant, si la chasse aux Kadhafistes continue de battre son plein, les forces loyalistes semblent gagner chaque jour un peu plus de terrain.
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La situation à Zintan, mardi soir
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