Les manifestants continuent de battre le pavé à Sanaa, la capitale yéménite. Le président Saleh ne veut rien entendre. Il doit pourtant composer avec le ralliement de ses anciens soutiens politiques, militaires et religieux, à la cause populaire.
L’un des principaux chefs de l’armée yéménite, le général Ali Mohsen al-Ahmar, grand propriétaire terrien et membre de la famille présidentielle, et le général Mohammed Ali Mohsen, en charge du district militaire oriental, ont annoncé ce lundi leur ralliement à la "révolte pacifique des jeunes". Deux soutiens de poids pour les manifestants, explique Sandra Roussin, correspondante de FRANCE 24 à Sanaa.
"Le général Ali Mohsen est un personnage respecté par la population, explique la journaliste, son ralliement est un symbole important, un grand pas pour les contestataires".
itTrois jours après la répression sanglante d'une manifestation à Sanaa, les défections politiques et militaires se multiplient dans le pays. Déjà lâché par de nombreux dignitaires religieux, ambassadeurs, parlementaires, ministres et chefs tribaux, le président Saleh - décrié par la rue depuis deux mois - doit aujourd’hui faire face à ces désertions de haut rang.
Avec eux, c’est toute une partie de l’armée qui se désolidarise du président en place. Une soixantaine d’officiers et deux autres généraux, ont déjà rejoint le mouvement de contestation depuis vendredi. Même la rédaction du quotidien 14 Octobre, porte-voix du régime, a décidé de cesser sa publication à compter de ce mardi en signe de protestation. Tous demandent aujourd’hui à Ali Abdullah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans, de respecter "la volonté du peuple", qui réclame sa démission. "La situation est plus que critique, la moitié de l’armée est au côté du peuple, l’autre moitié soutient le président, la situation ne pourra pas s’éterniser de la sorte", ajoute Sandra Roussin.
Saleh menace de déclencher une guerre civile
Pourtant, malgré sa perte de légitimité à travers le pays, Ali Abdullah Saleh ne compte pas céder le pouvoir. "Toute tentative de coup d'État mènera à une guerre civile ", a-t-il prévenu ce mardi. Le chef de l'État avait tout de même tenté de temporiser la situation en limogeant son gouvernement, dimanche. "Le peuple me soutient", avait-il encore affirmé, "la grande majorité de la population est avec la sécurité, la stabilité et la légalité constitutionnelle. Ceux qui appellent au chaos ne sont qu’une infime minorité". Deux jours auparavant, le chef de l’État avait déclaré l’état d’urgence pour une durée de trente jours et demandé que les manifestants évacuent la place de l’Université, au centre de Sanaa, symbole de leur mobilisation.
Autant de déclarations qui ne peuvent aboutir qu’à deux scénarios possibles selon la correspondante de FRANCE 24. "Soit Saleh part et la situation s’apaise, soit l’escalade de la violence est inévitable". La ville de Sanaa est scindée en deux. Les militaires fidèles au régime se sont déployés autour du palais présidentiel. Ils bloquent son accès et déploient des chars, tandis que les dissidents campent devant l’université de la capitale. "Ils [les contestataires, ndlr] sont dans l’attente d’un événement, d’un discours du président, c’est un peu la confusion ici, les gens s’impatientent", ajoute Sandra Roussin.
Face à l’intransigeance du président, l’opposition serre les rangs. Les sudistes ont mis en sourdine leurs velléités séparatistes et les rebelles chiites du nord se sont ralliés à la rébellion, alors que l'opposition parlementaire fait corps avec les jeunes protestataires à la pointe de la contestation.
"Un départ incontournable", selon Alain Juppé
Du côté de la diplomatie, la France est devenue lundi le premier pays occidental à réclamer ouvertement le départ du président yéménite. "Il semble aujourd'hui que le départ du président Saleh est incontournable", avait affirmé le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, à l'issue d'une réunion avec ses homologues européens à Bruxelles.
"Il faut aujourd'hui aider ceux qui veulent faire avancer les droits de l'Homme, construire la démocratie. Ceci est valable pour tous les pays. Nous le disons au Yémen où la situation est en train de se dégrader", avait alors précisé Alain Juppé au cours d'un point de presse.
L’administration américaine a fait savoir de son côté que la violence observée ces derniers jours était "inacceptable". Dans une intervention donnée ce lundi, Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, a condamné lui aussi les violences et déclaré que "le gouvernement yéménite a l’obligation de protéger les civils".