Plutôt épargnée par les révoltes qui ont ébranlé le monde arabe jusqu'à présent, la Syrie a été le théâtre d'importantes manifestations hostiles au régime du président Bachar al-Assad, vendredi. Au moins quatre personnes ont été tuées.
AFP - Quatre manifestants ont été tués et des centaines d'autres blessés vendredi par les forces de l'ordre en Syrie, où plusieurs villes ont connu des manifestations contre le pouvoir sans précédent depuis l'arrivée du président Bachar al-Assad en 2000.
A Deraa, à 120 km au sud de Damas, "les forces de l'ordre ont ouvert le feu à balles réelles sur les manifestants", a déclaré à l'AFP un militant des droits de l'Homme sur place, joint par téléphone depuis Nicosie.
"Quatre personnes ont été tuées: Akram al-Jawabra, Houssam Abdelwali Ayash, Ayham al-Harri et un membre de la famille Abou Aoun", a-t-il précisé.
Selon lui, "des centaines de manifestants ont été blessés. Beaucoup d'entre eux ont été enlevés par les services de sécurité de l'hôpital et emmenés vers une destination inconnue".
La Syrie a confirmé via son agence officielle Sana que des actes de sabotage et des violences avaient eu lieu à Deraa: "Certains ont profité d'un rassemblement à Deraa, près de la Mosquée al-Omari, pour provoquer l'anarchie par des actes de violence, provoquant des dégâts matériels".
"Les fauteurs de troubles ont incendié des voitures et des boutiques, ce qui a incité les forces de l'ordre à intervenir pour les disperser", a ajouté Sana.
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a jugé "inacceptable" le recours à la force contre des manifestants pacifiques. La présidence américaine a elle "fermement" condamné la violence de la police.
Des manifestations ont également eu lieu à Damas et dans d'autres villes du pays après l'appel à un "Vendredi de la dignité", pour réclamer plus de libertés et de démocratie, sur le site internet Facebook.
Dans la capitale, des agents de sécurité en civil ont dispersé par la force une manifestation devant la Mosquée des Omeyyades. "Il n'y a de Dieu que Dieu", a scandé la foule à l'intérieur de la mosquée.
Les manifestants ont été dispersés par des agents de sécurité en civil portant des bâtons et déployés en masse sur les lieux. Au moins deux manifestants ont été emmenés par des agents de sécurité qui ont donné des coups de pied à l'un d'eux, selon des correspondants de l'AFP.
Près de la mosquée, environ 200 personnes ont participé à une contre-manifestation en soutien au président Assad, brandissant des drapeaux syriens et pour certains un portrait de Hafez al-Assad, prédécesseur et père de Bachar.
De nombreux enregistrements vidéo des rassemblements dans plusieurs villes ont été diffusées sur Facebook.
Une vidéo montre une centaine de manifestants défilant devant une mosquée à Homs, à 150 km au nord de la capitale, en scandant "Dieu, Syrie, liberté". Une autre montre des manifestants criant des slogans hostiles au régime dans une ville présentée comme étant Deraa.
A Banias, ville portuaire dans l'ouest, une centaine de manifestants on scandé "Dieu, Syrie, liberté et c'est tout".
Les manifestants répondaient à un appel lancé sur une page Facebook intitulée "La révolution syrienne contre Bachar al-Assad 2011", qui comptait vendredi près de 50.000 membres.
La Syrie avait été jusqu'à présent épargnée par la contestation qui a secoué le monde arabe. Personne n'avait bravé la loi d'urgence en vigueur dans le pays depuis 1963 lors d'un premier appel pour une journée de la colère en Syrie le 4 février.
Les manifestants réclament plus de liberté et de démocratie dans le pays où les inégalités se sont accentuées, la pauvreté touchant 14% des 22 millions de Syriens. "Nous réclamons nos droits, la dignité pour les Syriens", annonçait la page Facebook.
La capitale syrienne avait déjà connu deux petites manifestations violemment dispersées cette semaine. Mercredi, 34 personnes avaient été arrêtées lors d'un rassemblement de proches de prisonniers politiques. Trente-deux d'entre elles ont été inculpées jeudi d'"atteinte au prestige de l'Etat", selon une organisation de défense des droits de l'Homme.