logo

Un magazine en ligne édité en arabe tente de marier fond de teint et djihad...

Le premier numéro du magazine en ligne Al-Shamika vient d’être publié sur la Toile. Ce magazine vise un public féminin afin de lui inculquer les valeurs du djihad, qui peuvent même se cacher dans les produits de beauté...

Qu’y-a-t-il en commun entre des conseils de beauté et une kalashnikov ? Pas grand-chose a priori, sauf le premier numéro d’Al-Shamika (La femme majestueuse). Ce nouveau magazine, issu de la mouvance islamiste radicale, se présente comme une sorte de "Cosmopolitan" ou "Elle" pour aspirante épouse de djihadiste. Al-Shamika tente ainsi de faire du djihad un style de vie.

Mis en ligne ces derniers jours, et découvert lundi par le quotidien britannique The Independant, il propose, en arabe, un mélange détonnant entre conseils pratiques pour la femme musulmane moderne et des appels plus traditionnels au djihad. Le terme "djihad", aux multiples définitions à travers les âges, a été récupéré par des mouvements radicaux pour légitimer la lutte armée contre d'autres musulmans ou des non-musulmans.

Sur sa Une, Al-Shamika montre une mitraillette sur fond mauve avec deux photos de femmes recouvertes d'un niqab. Le magazine évoque ainsi, tout au long de ses 31 pages, des produits de beauté (fond de teint...) et des conseils pratiques (aménagement d'intérieur...).

"Bien" élever les enfants

À côté de ces sujets "légers", le magazine est très clair sur son message : "La nation de l’Islam a besoin de femmes qui connaissent la vérité sur leur religion et qui comprennent ce que nous attendons d’elles", peut-on lire dans l’éditorial du premier numéro. Il leur est demandé "d'élever les enfants dans la tradition du djihad" ou de mettre en place "un foyer stable pour que leur mari puisse se consacrer pleinement au djihad".

"Le message véhiculé par Al-Shamika n’a rien de novateur en ce sens que les mouvements islamistes radicaux ont toujours attribué un rôle très important aux femmes comme soutien aux hommes se consacrant au djihad", explique Gilbert Ramsay, expert des réseaux islamistes et d'Internet au Centre d’études sur le terrorisme et la violence politique de l’université de Saint Andrews (Angleterre). Al-Shamika ne comporte par ailleurs aucun appel à des actions violentes.

Le magazine suit l'exemple de l’éphémère "Les Petites Filles de Khansa", un journal également pour femmes musulmanes qui a disparu après deux numéros.

Le djihad partout

En matière de presse féminine de ce type, la vraie référence serait plutôt "Inspire", qui avait fait sensation en 2010. Ce magazine, promu par le prédicateur américain d'origine yéménite, Anwar al-Awlaki, est devenu la première publication en ligne entièrement rédigé en anglais, dans l’espoir de séduire d’éventuelles recrues dans les pays occidentaux. Il en est actuellement à son quatrième numéro. Contrairement à "Inspire", Al-Shamika n’a pas été officiellement identifié comme une publication émanant de la nébuleuse Al-Qaïda.

"Ces deux magazines véhiculent la même idée : que les préceptes du djihad peuvent être appliqués même dans les occupations les plus routinières du quotidien", analyse Gilbert Ramsay.

Selon lui, le djihad a donné lieu, sur Internet, à l’émergence d’une véritable sous-culture qui n’est pas dominée par les appels à la violence. "Les mouvements qui prônent le djihad se donnent du mal sur les forums et les blogs pour expliquer que soutenir le djihad par des petits gestes au quotidien, c’est aussi y participer", soutient-il. Dans le but d’ouvrir l’esprit à ces nouveaux convertis à la possibilité de participer ensuite à des actions violentes ?