
L’accident nucléaire de Fukushima a porté un sérieux coup à l'industrie nucléaire : pendant que des milliers de personnes manifestent contre l'atome à travers le monde, certains États commencent à revoir leur politique énergétique.
Alors que le Japon se débat pour éviter un accident nucléaire majeur, la contestation anti-nucléaire en Europe prend de l’ampleur et gagne le terrain politique. Des manifestations contre l'atome ont rassemblé plusieurs milliers de personnes ce week-end en Allemagne, et quelques centaines d'individus à Paris et au Royaume-Uni. Lundi, à l’heure où de nouvelles explosions retentissaient dans la centrale de Fukushima-Daiichi - l'unité la plus proche de l’épicentre du séisme qui a ravagé le Japon le 11 mars et qui a été gravement endommagée par le tsunami qui s'en est suivi - plusieurs gouvernements ne cachaient pas leur inquiétude.
Dans le monde entier, les problèmes survenus à la centrale de Fukushima ont provoqué des réactions en chaîne. "L’accident au Japon a changé le monde. Nous devons nous interroger sur une industrie qui était jusqu’à présent considérée comme sûre", a ainsi lâché sur une radio allemande Gunther Oettinger, commissaire européen à l’Énergie, avant d'appeler à la tenue d’un sommet européen consacré à la sécurité nucléaire.
L’Autriche, elle, a exigé que des tests soient réalisés sur les centrales nucléaires européennes afin d’évaluer leur résistance en cas de tremblement de terre. Dans la foulée, l’Allemagne a annoncé qu’elle ne rallongerait finalement pas la durée de vie des siennes, allant à l'encontre d'une décision controversée qu'elle avait prise l’année dernière. La Suisse, de son côté, a suspendu les projets de renouvellement de ses installations, tandis que l’Inde a ordonné la vérification de toutes ses centrales atomiques.
Le Royaume-Uni, qui envisageait, lui, un important plan de relance de son industrie nucléaire semble vouloir désormais prendre le temps de la réflexion avant de se lancer dans un tel projet alors qu'aux États-Unis, des parlementaires ont appelé à un moratoire sur l'énergie atomique.
Un sérieux revers pour l’industrie nucléaire mondiale
Enfin en France, deuxième pays producteur d’énergie nucléaire dans le monde, le gouvernement a réagi de façon plus tiède, excluant de remettre en cause sa politique énergétique. La ministre de l’Environnement, Nathalie Kosciusko-Morizet, a eu beau parler "d’accident nucléaire très grave" et de "risque de grande catastrophe", elle a également conseillé "d’éviter de tomber dans l’emballement au niveau de l’Union européenne". Dimanche soir sur RTL, Henri Guaino, le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, a, même été jusqu'à affirmer que l’accident de la centrale de Fukushima "devrait plutôt favoriser l’industrie nucléaire française", qui se distingue "par son souci de sécurité".
La crise japonaise représente pourtant un sérieux revers pour l’industrie nucléaire mondiale. Lundi matin, l’inquiétude a gagné les places boursières, comme en témoignait, à Paris, la chute des cours - de 8 % et 4 % respectivement - des groupes français Areva, numéro un mondial du nucléaire, et de EDF, premier électricien nucléaire mondial. Une chute qui, officiellement, n'inquiète pas outre mesure Areva : "C’est la loi du marché, il s’agit de réactions à chaud", indiquait dans la journée de lundi une porte-parole du groupe. Il est vrai que, après les catastrophes de Three Miles Island, en 1979, et de Tchernobyl, en 1986, l’industrie nucléaire mondiale avait fini par se relever.
"Un avant et un après Fukushima"
Au sein du groupe nucléaire français cependant, l’ambiance n’est pas aussi sereine qu'on cherche à le laisser penser. "Pour le moment, nous sommes dans l’attente, affirme un employé de l'entreprise qui souhaite garder l’anonymat. On est à la croisée des chemins pour le nucléaire. Si les réacteurs [de la centrale de Fukushima] tiennent, ça contribuera à démontrer la robustesse des installations et à prouver que les risques sont bien pris en compte. En revanche, si ça se passe mal, il pourra y avoir un impact sur les perspectives de développement du nucléaire et sur ses débouchés commerciaux. Quoi qu'il en soit, l'impact psychologique sur les populations va être marquant et va probablement relancer le débat sur l'acceptabilité du nucléaire."
Pour les organisations anti-nucléaires et les partis écologistes européens quoi qu'il en soit, le débat est (re)lancé et le combat ne fait que commencer. "Il y aura un avant et un après Fukushima, comme il y a eu un avant et un après Tchernobyl", affirme par exemple Xavier Rabilloud, porte-parole du réseau Sortir du nucléaire. Pour lui, les "demandes de vérification des centrales atomiques formulées par les États sont clairement l’aveu que la sûreté dans le nucléaire est un leurre et que personne n’est capable de préserver la population d'accidents nucléaires".