Le maire du Ve arrondissement de Paris, Jean Tiberi, et son épouse, accusés d'avoir inscrit au moins 3 000 faux électeurs entre 1995 et 1997, comparaissent en correctionnelle ainsi que neuf de leurs proches. Le procès doit durer un mois.
AFP - Alors qu'ils ont toujours farouchement nié avoir inscrit de faux électeurs sur les listes entre 1995 et 1997, le maire du Ve arrondissement de Paris, Jean Tiberi, et sa femme Xavière comparaîtront à partir de lundi, avec neuf autres prévenus, devant le tribunal correctionnel de Paris.
L'affaire avait éclaté le 23 avril 1997. Accusant le "clan Tiberi" d'avoir "dopé les listes électorales dans son fief parisien", le Canard enchaîné avait estimé "entre 3.000 et 4.000 le nombre d'électeurs inscrits illégalement par le RPR dans le Ve arrondissement".
Plusieurs candidats aux municipales de 1995 et aux législatives de 1997, dont le vert Yves Antonin Frémion-Danet ou la socialiste Lyne Cohen-Solal, avaient alors déposé plainte, entraînant l'ouverture d'une information judiciaire en juin 1997.
Lassés d'attendre les réquisitions du parquet, qui faisait traîner le dossier depuis près de trois ans, les juges Baudouin Thouvenot et Jean-Louis Périès avaient créé la surprise, en renvoyant 11 personnes en correctionnelle, à quelques jours des municipales de mars 2008.
"Ca a été difficile, car le parquet a tout essayé pour que cette affaire soit enterrée", se souvient l'avocate de Mme Cohen-Solal, Me Claude Pollet-Bailleux.
Les nombreuses auditions de gardiens d'immeuble, d'agents municipaux ou encore d'électeurs ont permis de mettre au jour un système organisé dans lequel des personnes ne résidant pas dans l'arrondissement étaient "incitées" à se faire inscrire sur les listes électorales. On leur promettait en contrepartie divers avantages, tels qu'une place en crèche, un logement ou encore un emploi à la mairie de Paris.
De l'aveu des juges d'instruction eux-mêmes, qui dans leur ordonnance ont détaillé le cas de 200 faux électeurs, cette fraude est "difficilement quantifiable".
"On est partis sur des hypothèses extraordinaires pour revenir à des choses relativement dérisoires, d'autant qu'elles n'ont rien changé aux élections", considère l'un des avocats de Jean Tiberi, Me Jean-Yves Leborgne, en évoquant la décision du Conseil constitutionnel du 20 février 1998.
Tout en relevant des "irrégularités graves et répétées" et en évaluant à 800 le nombre de faux électeurs, le Conseil constitutionnel avait alors validé l'élection de Jean Tiberi aux législatives, en considérant que "la manoeuvre en cause, aussi condamnable soit-elle, n'a(vait) pu inverser le résultat du scrutin".
Réélu à la mairie du Ve arrondissement il y a un an avec 225 voix d'avance sur Lyne Cohen-Solal, Jean Tiberi, 74 ans ce vendredi, se montre d'ailleurs serein. "La lourde ordonnance" de renvoi "ne met en lumière à aucun moment des faits matériels qui accuseraient mon client", tient d'ailleurs à rappeler son conseil.
Une analyse qu'est loin de partager Me Pollet-Bailleux, pour qui la fraude a été "massive", a vraisemblablement concerné "4.000 à 5.000 faux électeurs" et "n'aurait pu se faire sans l'aval de Jean Tiberi", qui était "forcément au courant", tout comme son épouse, omniprésente à la mairie du Ve et dont plusieurs parents figurent sur la liste des électeurs irréguliers.
A l'image de Xavière Tiberi qui dénonce une "cabale", la 1ère adjointe chargée des affaires sociales et du commerce, Anne-Marie Affret, refuse la thèse de l'accusation selon laquelle elle aurait joué "un rôle central" dans la fraude.
Le procès doit s'achever le 4 mars.