Les forces pro-Kadhafi poursuivent leur opération militaire visant à stopper la progression des insurgés. De leur côté, les Occidentaux préparent un projet de résolution à l'ONU imposant une zone d'exclusion aérienne.
AFP - Les forces de Mouammar Kadhafi ont accentué mardi la pression sur la rébellion, bombardant par air et terre des positions dans l'Est de la Libye et combattant les insurgés à l'Ouest, au moment où les appels se multipliaient pour une zone d'exclusion aérienne.
Pour tenter de mettre fin à la répression sanglante, le président américain Barack Obama et le Premier ministre britannique David Cameron ont convenu de poursuivre la planification de "toute la gamme" d'actions possibles, dont l'imposition d'une zone d'exclusion aérienne.
Affichant désormais ouvertement leur soutien à l'insurrection, les Etats-Unis et l'Union européenne (UE) ont rencontré des représentants du Conseil national de transition mis en place par la rébellion à Benghazi, épicentre de l'insurrection (1.000 de km à l'est de Tripoli).
Alors que les violences prennent des allures de guerre civile dans ce pays pétrolier, le marché redoute une crise prolongée qui affecterait les approvisionnements mondiaux et imposerait un recours aux stocks stratégiques de brut, ce qui catapulterait le baril à plus de 200 dollars.
M. Kadhafi, qui a juré de mater dans le sang la rébellion débutée le 15 février, a mis en garde contre toute ingérence de l'Occident dans son pays lors d'un entretien téléphonique avec le Premier ministre grec Georges Papandréou.
Dans un entretien diffusé par la chaîne d'information française LCI, il a également accusé les Occidentaux de "complot colonialiste" contre son pays,
En soirée, il s'était rendu dans un hôtel de Tripoli où sont confinés la grande majorité des journalistes étrangers pour des interviews à des chaînes télévisées.
Malgré les sanctions internationales imposées au clan Kadhafi -gel des avoirs, interdiction de voyages-, l'ouverture d'une enquête de la Cour pénale internationale pour crimes contre l'humanité et les appels à s'en aller, le leader libyen s'accroche au pouvoir après plus de 40 ans de règne sans partage.
Ses forces tentent de stopper la progression vers l'Ouest des insurgés qui contrôlent la région orientale pétrolière ainsi que certaines localités de l'Ouest, lançant une opération de reconquête avec ses chars et avions contre les opposants moins bien armés.
L'aviation a bombardé la ville pétrolière de Ras Lanouf, base la plus avancée de l'opposition dans l'Est, faisant un blessé et touchant un immeuble. La banlieue ouest du port, à environ 300 km au sud-ouest de Benghazi, a été pilonnée et trois personnes ont été blessées, les rebelles parlant d'un déluge de feu.
A l'ouest de Tripoli, l'opposition contrôlait Zenten mais la ville était encerclée, selon un témoin français.
Les forces loyalistes ont lancé parallèlement un assaut sur Zawiyah, le bastion des insurgés le plus proche de la capitale, selon un ancien responsable libyen qui a fait défection, Mourad Hemayma.
"Kadhafi veut prendre (Zawiyah) avant mercredi. La communauté internationale doit agir", a-t-il affirmé, joint au téléphone au Caire par l'AFP. Il a indiqué que des membres de sa famille avaient été tués dans la ville (40 km de Tripoli), assiégée par des chars.
"Zawiyah est visée par une attaque d'envergure. Les civils sont attaqués directement", selon un site de l'opposition. Le gouvernement a démenti le bombardement de Zawiyah.
Face à l'escalade des combats qui ont fait plusieurs centaines de morts depuis le début de la révolte, les Occidentaux se concertent jeudi et vendredi à Bruxelles au sein de l'Otan et de l'UE, pour tenter d'aider l'opposition sans enfreindre le droit international ni déstabiliser la région.
Paris et Londres préparent un projet de résolution au Conseil de sécurité de l'ONU imposant une zone d'exclusion aérienne mais son adoption semble se heurter aux réticences de Moscou et Pékin.
Le vice-président américain Joe Biden doit lui rencontrer mercredi à Moscou le président russe Dmitri Medvedev pour tenter de surmonter les divergences des deux pays sur la Libye.
Pour la secrétaire d'Etat Hillary Clinton, toute décision d'imposer une telle zone devrait être prise par l'ONU et non par les Etats-Unis.
La Ligue arabe a prévu, elle aussi, une réunion de crise samedi pour évoquer la zone d'exclusion, après l'accord des monarchies arabes du Golfe et de l'Organisation de la conférence islamique pour sa mise en place.
L'UE a en outre approuvé de nouvelles sanctions contre la Libye, visant un fonds souverain et la Banque centrale, au moment où deux représentants du Conseil national ont dit à Strasbourg attendre que l'UE le reconnaisse "le plus tôt possible" comme seule autorité légitime.
Le gouverneur de la Banque centrale libyenne, clé des finances du régime et objet d'intenses recherches internationales, a refait surface en Turquie, a annoncé le Financial Times.
Farhat Omar Bengdara a assuré au journal continuer d'assumer ses responsabilités et n'être à l'étranger que pour mieux veiller aux affaires.
Au Caire, des diplomates américains ont rencontré des membres du Conseil national, selon le département d'Etat.
L'opposition a entretemps rejeté toute négociation avec le régime exigeant que le leader libyen quitte le pays et promettant le cas échéant de ne pas engager de poursuites contre lui. La télévision officielle libyenne a de son côté jugé "impensable" que M. Kadhafi "puisse prendre contact avec des agents ayant fait appel aux étrangers contre leur propre pays".
Alors que près de 200.000 personnes ont fui les combats en Libye, l'ONU a chargé l'ex-ministre jordanien des Affaires étrangères Abdel Ilah Khatib d'entreprendre des "consultations urgentes" avec Tripoli sur la crise humanitaire.