Les sanctions se multiplient contre le clan Kadhafi. Les Etats-Unis envisagent l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne sur la Libye pour éviter des bombardements. Une option qui ne satisfait pour l'heure ni l'Otan, ni l'ONU.
Les Etats-Unis font une démonstration de force au large de la Libye. Navires de guerre et porte-hélicoptères positionnés au large des côtes libyennes, bases américaines en Italie placées en état d’alerte… Lundi, après avoir évacué les ressortissants américains, Washington a clairement haussé le ton à l’égard du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi.
"Rien n’est à exclure tant que le gouvernement de Tripoli menace et tue les Libyens", affirmait lundi soir à Genève la chef de la diplomatie américaine, Hillary Clinton, évoquant l’instauration éventuelle d’une "no-fly zone", une zone d’exclusion aérienne, destinée à empêcher tout décollage d’avions de guerre sur le territoire libyen pour éviter le bombardement des manifestants.
"C'est aux Libyens de se libérer eux-mêmes"
Pour l’heure, l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne ne fait l’unanimité ni au sein de l’Otan, ni au Conseil de sécurité de l’ONU. "Cette décision consisterait à interdire à tout aéronef de décoller sans autorisation du contrôle aérien de l’Otan, explique sur FRANCE 24 Pierre Conesa, ancien haut fonctionnaire au ministère de la Défense. Ce qui implique des conséquences militaires : si un appareil décolle, les forces de l’Otan seraient normalement habilitées à le détruire en vol ou le forcer à atterrir. Là, aujourd’hui, cela apparaîtrait comme une ingérence du Nord vers le Sud et rappellerait de très mauvais souvenirs aux populations arabes".
En outre, rappelle Jean-Michel Bouchron, vice-président du parlement de l’Otan, "il ne s’agit pas de prendre à ce peuple sa révolution. C’est aux Libyens de se libérer eux-mêmes." "Il ne faut pas oublier qu’une charité un peu trop envahissante peut être vécue comme une humiliation", poursuit-il. D’autant que l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne, sans intervention humanitaire, ne s’apparenterait, selon Pierre Conesa, qu’à une mesure de satisfaction morale".
Pendant la guerre du Golfe, l’Irak a connu deux interdictions aériennes. "La première concernait le Kurdistan en 1992, rappelle-t-il. Elle avait été couplée à une intervention humanitaire qui avait permis au peuple kurde de survivre. La seconde a été instaurée l’année suivante dans le sud chiite de l’Irak et n’a pas été assortie de mesures humanitaires. Les chiites y ont été massacrés sous l’abri d’une zone d’interdiction aérienne. Ca n’a pas de sens. Ces mesures ne servent donc à rien si on ne décide pas d’opérations pour aider les populations à survivre."
Les Etats-Unis "montrent leurs muscles"
Et sans demande expresse des autorités libyennes de transition, pas question d’intervenir sur le sol libyen. "L’Occident ferait une erreur politique monumentale en débarquant en Libye comme ça, sans l’aval de l’ONU ni l’appel à l’aide du gouvernement provisoire", assure le vice-président du parlement de l’Otan. S'il semble difficile d’intervenir sur le plan humanitaire, il est a fortiori impossible d’y lancer une opération militaire terrestre. L’opinion publique arabe aurait sans doute également du mal à comprendre pourquoi l’Occident se décide à intervenir en Libye alors qu’il ne l’a fait ni pour le Darfour ni pour les territoires palestiniens. "En vérité, c’est qu’il est plus facile de résoudre la crise libyenne que de s’engager politiquement sur des terrains où les néoconservateurs se sont largement enlisés, comme en Irak ou en Afghanistan", analyse l'ancien haut fonctionnaire Pierre Conesa.
"En positionnant ses navires, l’Amérique montre ses muscles, mais elle ne partira pas seule au combat, et le Conseil de sécurité ne semble pour l’heure pas favorable ne serait-ce qu’à l’instauration d’une "no-fly zone", analyse Philippe Gassot, correspondant de FRANCE 24 à Washington. Washington veut simplement envoyer un message ferme à Kadhafi".