La Côte d'Ivoire risque de sombrer dans le chaos. Depuis l’appel de Guillaume Soro à "faire la révolution", les affrontements entre les Forces de défense et de sécurité (pro-Gbagbo) et les Forces Nouvelles (fidèles à Ouattara), se sont intensifiés.
Presque trois mois après le début de la crise post-électorale ivoirienne, les violences ont repris de plus belle entre l'armée restée fidèle au président sortant Laurent Gbagbo et les partisans d'Alassane Ouattara, le chef de l'État reconnu par la communauté internationale, portant à 315 le nombre de personnes tuées dans le pays depuis la mi-décembre, selon l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci).
Jeudi, des combats ont éclaté dans l'ouest du pays, autour de la ville de Danané, dans la province des Dix-huit montagnes, aux confins des frontières libérienne et guinéenne. Un responsable des Forces de défense et de sécurité (FDS, pro-Gbagbo) a indiqué qu'ils avaient eu lieu à la suite d'une "attaque" d'un de leurs postes par les Forces nouvelles (FN, pro-Ouattara), l'ex-rébellion qui avait tenté de renverser Laurent Gbagbo en 2002. Le bilan des heurts s'élève à 12 soldats des FDS et un combattant des FN tués, selon le gouvernement d'Alassane Ouattara. Des chiffres impossibles à confirmer dans l'immédiat mais qui inquiètent Hamadoun Touré, porte-parole de l'Onuci : "Ces combats [...] constituent une menace pour toute la région", a-t-il déclaré.
Un discours de Guillaume Soro met le feu aux poudres
Ces affrontements marquent en effet une escalade dans la lutte pour le pouvoir qui oppose les deux prétendants à la présidence ivoirienne. Jusqu'alors, seule Abidjan était en proie à des violences. Depuis le 19 février, les forces restées fidèles à Laurent Gbagbo y combattaient notamment un groupe armé - baptisé "commando mystérieux" par la presse locale - équipé d’armes lourdes et de lance-roquettes. Les affrontements meurtriers qui les opposent ont d'ailleurs redoublé d'intensité ces deux derniers jours, faisant jusqu'à une dizaine de morts parmi les FDS, mardi.
À l’origine de ce regain de violence : un discours prononcé par Guillaume Soro, le Premier ministre d’Alassane Ouattara, jeudi dernier, dans lequel il enjoignait ses partisans à se mobiliser sur le modèle des révolutions tunisienne et égyptienne pour renverser le régime du président sortant.
"Le peuple de Côte d’Ivoire doit faire sa révolution, il ne doit pas attendre son salut de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), ni de l’Union africaine (UA) pour chasser Laurent Gbagbo du pouvoir", avait-il martelé alors.
Des Ivoiriens ont quitté le quartier d'Abobo
Une allocution qui avait piqué au vif le gouvernement Gbagbo. Le président sortant avait riposté le lendemain en instaurant un couvre-feu de deux jours et en déployant l'armée dans plusieurs quartiers pro-Ouattara d'Abidjan pour dissuader toute vélléité de rassemblement. Une situation générant de fortes tensions qui a contribué à renforcer l'exode de nombreux Abidjanais apeurés par la reprise des combats. Depuis samedi, plusieurs centaines de femmes et d’enfants ont d'ailleurs fui le quartier pro-Ouattara d’Abobo - surnommé "Bagdad" par ses habitants - pour se rendre dans le quartier voisin de Yopougon (pro-Gbagbo), épargné par les combats.
"Les gens d’Adjamé ou d’Abobo viennent ici à pied, il n’y a plus de taxis et les transports en commun ont été suspendus, explique Sanogaud, un habitant de Yopougon contacté par France24.com. Ils ne se sentent plus en sécurité chez eux, ils entendent des tirs tout le temps". Les rues d’Adjamé et d’Abobo sont aujourd’hui complètement désertes. "Les magasins et les écoles sont fermés. On ne voit personne dehors", poursuit Sanogaud.
Ce regain de tension inquiète d'autant plus que les efforts diplomatiques en cours pour tenter de sortir de l’impasse ivoirienne ne semblent pas porter leurs fruits. Le panel de présidents africains mandaté par l'UA dans ce dossier, qui s'est rendu à Abidjan cette semaine avant de présenter, d'ici à la fin du mois, des "solutions contraignantes" pour les deux camps, a laissé entendre que l'alternative pour sortir le pays du bourbier pourrait se résumer à... un partage du pouvoir entre les deux rivaux ou à l'organisation d'un nouveau scrutin.