logo

Mouammar Kadhafi exhorte ses partisans à descendre dans la rue

Brandissant, lors d'un discours enflammé à la télévision d'État, mardi, la menace d'une répression sanglante, le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, a appelé ses partisans à descendre dans les rues dès mercredi.

AFP - Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, confronté à une révolte populaire sans précédent depuis une semaine, a juré mardi dans un discours télévisé de rétablir l'ordre, brandissant la menace d'une répression sanglante.

Monde arabe : les raisons de la révolte

Promettant de se battre "jusqu'à la dernière goutte" de son sang, il a appelé la police et l'armée à reprendre la situation en main et assuré que tout manifestant armé méritait la "peine de mort".

"Rendez vos armes immédiatement, sinon il y aura des boucheries", a-t-il lancé évoquant une riposte "similaire à Tiananmen", en référence à la répression militaire du "Printemps de Pékin" en juin 1989 qui avait fait des centaines, voire des milliers de morts, selon les sources.

Drapé dans une tunique marron, pour sa première intervention officielle depuis le 15 février, le colonel Kadhafi s'exprimait devant sa maison bombardée en avril 1986 par les Américains et laissée depuis en l'état.

"Mouammar Kadhafi n'a pas de poste officiel pour qu'il en démissionne. Mouammar Kadhafi est le chef de la révolution, synonyme de sacrifices jusqu'à la fin des jours", a-t-il affirmé dans un discours enflammé de plus d'une heure, ponctué de larges gestes de la main et parfois de silences et de bégaiements.

"Tous les jeunes doivent créer demain les comités de défense de la révolution: ils protègeront les routes, les ponts, les aéroports", a-t-il dit, en appelant ses partisans à manifester à partir de mercredi.

"Aucun fou ne pourra couper notre pays en morceaux", a ajouté le colonel Kadhafi, au pouvoir depuis plus de 40 ans, menaçant de "purger (le pays) maison par maison".

"Nous n'avons pas encore fait usage de la force, mais si la situation requiert le recours à la force, nous y recourrons", a-t-il assuré.

D'après l'organisation Human Rights Watch (HRW), la répression a déjà fait "au moins 62" morts dans la capitale Tripoli depuis dimanche.

Lundi matin, HRW avait annoncé un bilan d'au moins 233 morts depuis le 15 février, sans faire état de victimes à Tripoli. La Fédération internationale des ligues de droits de l'Homme (FIDH) avait avancé le chiffre de "300 à 400" morts dans le pays.

Les violences meurtrières d'abord concentrées à Benghazi, deuxième ville du pays à 1.000 km à l'est de Tripoli, ont touché la capitale dimanche soir, alors que le calme était revenu à Benghazi lundi soir, d'après des témoignages à l'AFP.

Selon la présidente de la FIDH, Souhayr Belhassen, les violences ont continué dans la matinée à Tripoli. "Les milices, les forces de sécurité fidèles à Kadhafi sévissent de façon terrible, cassent les portes, pillent (...). Il est impossible de retirer les corps dans les rues, on se fait tirer dessus", a-t-elle expliqué à l'AFP.

Des Tunisiens ayant fui le pays ont raconté à l'AFP des nuits de terreur à Tripoli, les hommes de Kadhafi et des mercenaires tirant dans tous les sens, arrêtant, braquant, violant, tandis que des blessés étaient en sang.

Dans la capitale, beaucoup d'étrangers restaient confinés chez eux. L'aéroport était bondé, des centaines d'expatriés cherchant à quitter le pays. De nombreux pays ont annoncé mardi l'envoi d'avions pour évacuer des ressortissants.

Le Conseil de sécurité de l'ONU était réuni d'urgence mardi à New York alors que les Occidentaux plaidaient pour "des mesures rapides et claires" face à la répression.

Monde arabe : les raisons de la révolte

La secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, a parlé d'un "bain de sang totalement inacceptable".

La Ligue arabe a annoncé que la participation de la Libye à ses réunions était suspendue "jusqu'à ce que les autorités libyennes acceptent les revendications" du peuple libyen "et assurent sa sécurité".

La chancelière allemande Angela Merkel a jugé le discours du colonel Kadhafi "très effrayant" et exigé "l'arrêt des violences", ajoutant que dans le cas contraire l'Allemagne "réfléchirait à des sanctions".

Les Européens étaient cependant divisés sur l'opportunité de prendre des sanctions, certains pays redoutant un retour de bâton contre leurs ressortissants sur place ou une ouverture des vannes de l'immigration illégale. Rome a dit notamment craindre de voir affluer entre 200 à 300.000 migrants fuyant la Libye.

Le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi, dont le pays a des relations économiques très étroites avec la Libye, s'est entretenu avec le colonel Kadhafi.

La haut commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Navi Pillay a exigé l'ouverture d'une "enquête internationale indépendante" sur les violences, évoquant la possibilité de "crimes contre l'humanité".

Plusieurs dirigeants libyens ont fait défection pour protester contre les violences contre les manifestants, de même que des diplomates en poste à l'étranger.

Sur le plan économique, l'escalade meurtrière en Libye, important producteur mondial d'or noir, fait grimper les prix du pétrole à des niveaux inédits depuis 2008. L'Opep s'est dit prête à augmenter sa production en cas de besoin, tout en assurant que le marché restait largement approvisionné.

En revanche, le seul gazoduc reliant la Libye à l'Italie et à l'Europe a été coupé mardi.