
La banque d’investissement américaine est accusée d’avoir retiré, en 2008, un rapport accablant pour le système bancaire irlandais sous la pression des banques irlandaises elles-mêmes. Résultat : un immense plan de sauvetage.
"Lâches, sales crapauds criminels, proxénètes prêts à vendre vos mères pour une poignée de dollars". Ces mots doux ne proviennent pas d’une querelle de comptoir, mais d’un billet posté ce dimanche sur le très influent blog économique américain The Big Picture au sujet de Merrill Lynch. Son auteur, l’un des plus célèbres journalistes économiques américain, Barry Ritholtz, y dénonce le comportement de la banque d’investissement peu avant l’effondrement de l’économie irlandaise début 2009.
Qu’a donc fait Merrill Lynch pour provoquer une telle ire ? Selon des documents qui ont fait surface ces derniers jours, à la lumière d’une enquête du magazine américain Vanity Fair, cette vénérable institution de Wall Street aurait tout bonnement caché l’état de délabrement réel du système bancaire irlandais. Pire, elle l’aurait fait à la demande de deux des trois principales banques irlandaises (AIB et Anglo Irish) qui étaient également ses partenaires commerciales.
Etape numéro 1 : un rapport accablant disparaît de la circulation
Tout commence en mars 2008, lorsqu’un jeune analyste de Merrill Lynch, du nom de Philip Ingram, soumet et publie un rapport sur l’État des banques irlandaises. Il y est particulièrement critique envers la propension de ces établissements à prêter à tour de bras.
Ce fameux rapport est transmis aux marchés le même mois pour être retiré, d’après le Vanity Fair, dans les heures qui suivent. Quelques mois plus tard, l'auteur dudit rapport, Philip Ingram est même remercié par Merrill Lynch tandis que son travail original subit une réécriture afin de l’expurger des éléments les plus accablants contre les banques irlandaises.
Que s’est-il passé ? L’enquête de Vanity Fair affirme que Merrill Lynch a reçu des coups de fils furieux d’AIB et de la banque Anglo Irish. Il faut dire que le rapport original avait commencé à faire le tour du petit monde de la finance à Londres. En substance, les banques irlandaises auraient menacé d’aller voir ailleurs pour de futurs partenariats.
Etape numéro 2 : Merrill Lynch réécrit l'histoire à la demande de l'Irlande
L’histoire ne s’arrête pas là. Six mois plus tard, Merril Lynch, à la demande du gouvernement irlandais, rédige un mémo de sept pages sur l’état des banques irlandaises. Conclusion de cette étude, facturée 7 millions d’euros à l’État irlandais, "toutes les banques irlandaises sont en bonne santé".
Un état des lieux qui va vite s’avérer pour le moins optimiste. En janvier 2009, l’État irlandais, confronté aux difficultés du secteur bancaire, a été obligé de nationaliser l’Anglo Irish Bank et, un mois plus tard, le gouvernement a dû faire adopter un plan de soutien à l'A.I.B et à Bank of Ireland pour un montant de 7 milliards de dollars.