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L'un des envoyés spéciaux de FRANCE 24 répond aux questions des internautes

Les internautes ont posé leurs questions sur la situation en Égypte à Marc Daou, notre envoyé spécial au Caire, sur la page Facebook de FRANCE 24. Éléments de réponse.

Clovis Kimikele : Quelles sont les raisons fondamentales de cette révolte ?
Félix Tshibanda : Quel en a été l'élément déclencheur ? 

FRANCE 24 : L'élément déclencheur, c'est évidemment la Tunisie. À chaque fois que l'on parle à un manifestant, il nous dit 'les Tunisiens l'ont fait, on veut le faire nous aussi'. Mais ce qui est également important, c'est que la vaste majorité des manifestants fait partie de la population la plus pauvre. Ce n'est pas la classe moyenne qui a affronté la police vendredi, ce sont des jeunes qui n'avaient rien à perdre. Les Égyptiens parlent beaucoup de leurs conditions de vie, de la hausse du prix de la viande, du chômage... Ils sont cantonnés dans cet état depuis 30 ans et ne voient aucun avenir. 

Guy Mangi : Quelle est l'intensité des manifestations à ce jour ?

F24: Les journées de vendredi et samedi ont été les plus importantes en termes de mobilisation. Dimanche, la ville était quasiment morte. Il n'y avait des gens que sur la place Tahrir, alors que la veille, les manifestants étaient présents partout aux alentours. Peut-être qu'ils ont craint pour leur sécurité, d'autant plus qu'une information circule selon laquelle des prisonniers se sont évadés.

Roberto Cereda : Quel est le nombre de morts en Égypte ?

F24 : Nous n'avons pour l'instant accès à aucun bilan officiel, et nous n'avons pas encore pu vérifier les informations venant de différentes sources. On parle d'une centaine de morts, mais cela pourrait être plus... 

Mor Mbaye : Quel rôle joue l'armée ?
Pearl Nkeangnyi : L'armée est-elle dirigée par le président Hosni Moubarak ?

F24: L'attitude de l'armée est une grosse interrogation pour la population. Elle est très présente dans les rues, on a vu des manifestants sympathiser avec elle et l'un des slogans, c'est "les manifestants et l'armée main dans la main contre le régime". Jusqu'à présent, l'armée ne bouge pas. Elle laisse faire les manifestants, mais elle n'est pas pour autant de leur côté. Elle a l'ordre de sécuriser certains quartiers et bâtiments publics, mais pas d'intervenir. Quand des casseurs ou des pilleurs sont arrêtés par des milices citoyennes, c'est aussi l'armée qui les prend en charge. La population espère que les militaires sont de leur côté, mais leur silence ne les rassure pas.

Par ailleurs, on a l'impression que l'armée prend le pouvoir au sein du régime. Le vice-président et le Premier ministre qui ont été nommés sont tous les deux issus de l'armée... Peut-être qu'elle joue sa carte dans cette crise.

Abdoulaye Amadou : Où sont passés les policiers ?

F24 : Ces derniers jours, ils se sont littéralement cachés ! Ils ont été en grande difficulté vendredi, et du jour au lendemain ils ont totalement disparu des rues. Les milices citoyennes demandent à voir les cartes d'identité des gens le soir, or quand on est policier, c'est marqué dessus. La police s'est toutefois redéployée ce lundi. 

Mounir H. Merouane : Peut-on avoir peur pour l'avenir de l'Égypte après ce soulèvement ?

F24: Pour l'instant, les manifestants ne s'inquiètent que de l'avenir immédiat. Certains se demandent quel sera l'avenir du pays, notamment du tourisme... Mais en même temps, ils disent qu'ils ne profitent pas de ces revenus là. L'Égypte est un pays qui a un patrimoine très important, des richesses, et eux gagnent deux dollars par jour... Ils veulent avant tout du changement. 

Lebon Buota : Est-ce que la population égyptienne soutient l'opposant Mohamed el-Baradei ?

F24 : La population est très partagée. Jusqu'à dimanche, Mohamed el-Baradei ne s'était presque pas montré dans les rues et il n'avait parlé qu'aux chaînes de télévision étrangères. Les gens lui en veulent pour cela. Certains manifestants ne se reconnaissent pas en lui parce qu'il vient de l'étranger.

Il incarne une certaine opposition mais pas aux yeux de tous. Il doit encore s'imposer s'il veut représenter l'alternative pour la majorité des Égyptiens. 

Farah Daymi : Quel est le poids de la menace islamiste ?

F24 : Ce qui est sûr, c'est que les Frères musulmans sont dans les rues. On les voit, ils encadrent certains groupes de manifestants, lancent des slogans... Le soir, ils contrôlent certains milices citoyennes et sont très bien organisés. Dimanche par exemple, Mohamed el-Baradei, qui n'avait qu'un porte-voix, avait du mal à se faire entendre. Les Frères musulmans eux avaient un micro et des baffles ! En l'absence de la police, ils ont aussi pris leurs marques, de façon visible, dans certains quartiers qui leur sont favorables. Bien sûr, d'autres se méfient de leur éventuelle montée en puissance.

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