À l'aube d’une sixième journée de crise, la situation est toujours confuse : la pression de la rue s’accentue, mais le pouvoir ne compte pas céder. Au Caire cette nuit, des comités d'autodéfense protégaient certains quartiers contre les pillards.
Samedi soir, après une journée chaotique, des milliers de personnes étaient toujours massées dans les rues du centre du Caire et dans d'autres villes du pays, malgré le couvre-feu. Des comités de quartier, armés de gourdins et de barres de fer étaient présents dans plusieurs zones au Caire pour protéger la population des bandes de pillards qui dévalisent commerces et maisons.
Des dizaines de milliers de manifestants bravent le couvre-feu
it![Au sixième jour d'une crise sans précédent, l'Égypte au bord du gouffre Au sixième jour d'une crise sans précédent, l'Égypte au bord du gouffre](/data/posts/2022/07/16/1657948116_Au-sixieme-jour-d-une-crise-sans-precedent-l-Egypte-au-bord-du-gouffre_1.jpg)
Sur le terrain de la contestation, la journée de samedi a été moins meurtrière que celle de vendredi – environ 30 personnes ont été tuées contre une soixantaine la veille. Pourtant, les manifestants, au Caire, à Alexandrie, Suez ou Ismaïliya, ont bravé le couvre-feu (à 14h, heure égyptienne, soit 16h GMT) toute la journée, et se sont violemment heurtés aux forces de l’ordre. Au moins trois personnes sont décédées au Caire dans ces affrontements, et une douzaine à Suez.
Dans la capitale, une foule forte de dizaines de milliers de manifestants s’est rassemblée dans le centre, sur la place de la Libération (place Tahrir) et à proximité du musée abritant des trésors de l’antiquité, qui a d'ailleurs été attaqué par des pillards. Les affrontements les plus violents ont eu lieu devant le ministère de l’Intérieur, où des protestataires ont essayé d'entrer. Selon les envoyés spéciaux de France 24, le centre-ville était méconnaissable en raison des incendies et de nombreux pillages. Plusieurs témoins ont aussi assisté à des scènes où la foule fraternisait avec l’armée déployée au Caire. Les images diffusées par les médias télévisés montrent des militaires qui encadrent les manifestations sans toutefois intervenir directement.
Le général Souleimane, ancien chef du renseignement, nommé vice-président
Après les promesses faites lors d’une allocation télévisée vendredi soir, Hosni Moubarak a annoncé en milieu d’après-midi, deux nominations d’importance : celle du vice-président Omar Souleimane, et du nouveau Premier ministre, Ahmad Chafic. La télévision nationale égyptienne a diffusé des images de M. Souleimane prêtant serment devant le président égyptien avant de lui adresser un salut militaire. La réaction de l’opposition ne s’est pas fait attendre : Mohamed ElBaradei a regretté que ces nominations ne soient "pas suffisantes", alors que les Frères Musulmans (islamistes) appelaient à nouveau à une pacification pacifiste du pouvoir.
Dans la matinée, M. ElBaradei demandait à l’antenne de France 24 le départ de Hosni Moubarak : "Il n'a clairement pas compris le message qui émanait du peuple égyptien" affirmait l’ancien directeur général de l’AIEA.
Ancien chef du renseignement égyptien, le général Souleimane est un proche du
président Moubarak, et sa nomination apparaît comme un repli du pouvoir sur sa base militaire. L’Égypte n’a connu aucun vice-président depuis 1981 et l’arrivée au pouvoir de Hosni Moubarak, après l’assassinat du président al-Sadate. La nomination d’Omar Souleimane laisse donc à penser que le chef de l’État prépare sa succession… et que son fils Gamal Moubarak a de moins en moins de chances de lui succéder.
Des élections présidentielles doivent avoir lieu en septembre 2012 en Égypte. Le président du Parlement, Fathi Sorour, a précisé samedi qu'il n'existait aucun projet d'élections anticipées.
Peser face à un régime ami mais menacé : le dilemme occidental
Le président américain Barack Obama, après s'être entretenu par téléphone avec M. Moubarak pendant 30 minutes dans la nuit de vendredi à samedi, a déclaré qu'il appelait "très clairement les autorités égyptiennes à s'abstenir d'utiliser la violence contre les manifestants pacifiques". M. Obama a ajouté qu'il avait demandé au chef de l'Etat égyptien de "prendre des mesures concrètes pour tenir ses promesses" faites dans son allocution télévisée.
Le président américain n’a pas officiellement réagi à la nomination de MM. Souleimane et Chafic samedi, mais il a réuni en fin de journée son conseil à la sécurité nationale pour discuter de la crise égyptienne.
Côté européen, une déclaration commune de Paris, Berlin et Londres appelle au changement en Égypte et exhortent "le président Moubarak à éviter à tout prix l'usage de la violence contre des civils sans armes et les manifestants à exercer leur droit pacifiquement".
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