
Malgré l'annonce de la formation d'un nouveau cabinet dès ce samedi, des milliers de manifestants sont à nouveau réunis au Caire pour demander le départ du président Moubarak.
"Moubarak va-t-en !" Ce samedi midi, les manifestants appellent à nouveau au départ du président égyptien place Tahrir, dans le centre du Caire. Pour la cinquième journée consécutive, les Égyptiens sont descendus dans la rue, des milliers de personnes affluant depuis ce matin vers la capitale. De son côté, le gouvernement du Premier ministre Ahmad Nazif a annoncé, ce samedi matin, sa démission. Une nouvelle équipe gouvernementale pourrait être formée dès aujourd’hui.
Après les manifestations de vendredi, émaillées d'incidents violents, l'armée a été appelée en renfort et s'est positionnée dans les endroits stratégiques de la capitale. "L'atmosphère est un peu différente ce samedi, constate Ygal Saadoun, correspondant de FRANCE 24 au Caire. Dans de nombreux quartiers, l'armée est accueillie triomphalement par la population, qui considérait que la police lui était hostile et qu'elle était corrompue. Les manifestations sont plus pacifiques."
"La question est de savoir si l'armée va épouser ce mouvement, comme ça a été le cas en Tunisie, ou si elle va au contraire protéger le régime", ajoute Gallagher Fenwick, envoyé spécial de FRANCE 24 au Caire.
"Divergences" au sommet de l'État
Selon le politologue Khattar Abou Diab, qui contribue aux Cahiers de l'Orient, des "divergences" seraient en train d'apparaître au sommet de l'État. "Ce n'est pas une révolution de palais, explique-t-il à FRANCE 24, mais il y a apparemment des divergences entre la direction de l'armée, les services de renseignement et l'establishment civil sur la façon de gérer cette crise et de faire face à la révolte populaire."
Ce samedi, des heurts ont toutefois eu lieu entre policiers et manifestants à Alexandrie, dans le nord du pays, où un témoin cité par l'agence Reuters a fait état de tirs à balles réelles. À Rafah, ville située à la frontière avec la bande de Gaza, le siège de la Sûreté de l'État a été attaqué et trois policiers ont été tués dans ces affrontements.
Selon le ministère de la Santé égyptien, 38 personnes ont trouvé la mort vendredi alors que des dizaines de milliers de personnes ont manifesté dans les grandes villes du pays et notamment à Suez, Alexandrie et au Caire. Des heurts les ont opposés aux forces de l'ordre qui ont utilisé des canons à eau, des grenades lacrymogènes et des balles en caoutchouc pour disperser les cortèges.
Après le président américain Barack Obama cette nuit, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a appelé à l'arrêt des violences et à la "mise en œuvre du processus de réforme nécessaire."
Le gouvernement égyptien a démissionné
En fin de matinée, la télévision d'État égyptienne a par ailleurs confirmé la démission
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officielle du gouvernement du Premier ministre Ahmad Nazif, annoncée vendredi soir par Hosni Moubarak. Celui-ci doit maintenant désigner le nouveau chef de gouvernement, et son équipe pourrait être formée dans la journée.
Dans sa brève allocution vendredi soir, le président égyptien a affirmé avoir "pleinement conscience des aspirations légitimes du peuple". Il s'est également dit déterminé à assurer la stabilité du pays.
"Évidemment cette annonce de la formation d'un nouveau gouvernement n'est pas suffisante pour les Égyptiens, affirme le politologue Khattar Abou Diab. Le peuple attend des réformes concrètes, un calendrier pour les élections législatives et présidentielle, un engagement d'Hosni Moubarak à ne pas prolonger son mandat ni envisager une succession dynastique avec l'arrivée de son fils Gamal au pouvoir... Si la population n'a pas de réponses sur ces points, la situation pourrait empirer."
Outre le départ d'Hosni Moubarak, les Égyptiens réclament la levée de l'état d'urgence, en vigueur depuis 30 ans, davantage de libertés individuelles et une amélioration de leurs conditions de vie. Alors que plus de 40 % des Égyptiens vivent avec moins de deux dollars par jour, ils protestent contre la hausse des prix des denrées de base et le manque d'emplois.