
Après le mea culpa de Nicolas Sarkozy qui a admis avoir sous-estimé la puissance de la contestation tunisienne, l'ambassadeur français à Tunis, Pierre Ménat, a été remercié. Il sera remplacé par un ancien conseiller du président, Boris Boillon.
AFP - La France a décidé mercredi de relever de ses fonctions son ambassadeur en Tunisie, Pierre Ménat, qui fait les frais des erreurs d'appréciation de la diplomatie française lors de la révolution tunisienne.
Pierre Ménat, 60 ans, sera remplacé par Boris Boillon, un jeune diplomate de 41 ans, ex-conseiller du président Nicolas Sarkozy et ambassadeur à Bagdad depuis mai 2009. Sa nomination a été avalisée mercredi par le Conseil des ministres, a annoncé le porte-parole du gouvernement, François Baroin.
Boris Boillon "a toute la sensibilité naturelle pour correspondre à la nouvelle ère qui s'ouvre désormais dans les relations franco-tunisiennes", a-t-il déclaré.
Le gouvernement français a été sévèrement critiqué pour avoir tardé à condamner la répression des manifestations et à soutenir la révolution du jasmin. Ce n'est qu'au lendemain de la chute de l'ex-président Zine el Abidine Ben Ali que Paris avait explicitement appuyé le soulèvement populaire.
Lundi, le président Nicolas Sarkozy s'était résolu à un mea culpa public, admettant que la France avait "sous-estimé (les) aspirations du peuple tunisien à la liberté". Il avait "une désespérance, un sentiment d'étouffer dont il faut le reconnaître, nous n'avions pas pris toute la mesure", a-t-il précisé.
Il y a 15 jours, la ministre française des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, après plusieurs semaines d'embarras de la diplomatie française face à la montée de la contestation en Tunisie, avait proposé une aide policière au régime de Ben Ali, ce qui lui avait valu des appels à sa démission par des membres de l'opposition.
Le remplacement de l'ambassadeur ne faisait guère de doutes ces derniers jours.
"La raison de la rapidité de son départ est bien entendu qu'on considère au gouvernement que les informations n'étaient pas remontées" jusqu'à Paris, a expliqué à la chaîne de télévision France 3 le président de la commission des Affaires étrangères à l'Assemblée nationale, Axel Poniatowski.
"Les derniers télégrammes diplomatiques des derniers jours avant le départ de Ben Ali ne manifestaient pas un degré d'inquiétude et une description de la situation telle qu'elle était", a-t-il ajouté.
Pierre Ménat n'était en poste à Tunis que depuis 2009.
itUn télégramme diplomatique français, datant du 14 janvier et envoyé de Tunis à Paris quelques heures avant la fuite en Arabie saoudite de Ben Ali, estimait que ce dernier avait plus ou moins repris le contrôle de la situation. A la fin du texte, il évoquait toutefois la possibilité que l'ex-président tombe sous la pression de la rue, selon une source ayant eu accès à ce document.
Certains diplomates refusent de porter seuls la responsabilité des erreurs de la France et renvoient la balle vers la classe politique, dont la proximité avec le régime de Ben Ali a été maintes fois soulignée ces dernières semaines.
Mercredi, un ex-ambassadeur en Tunisie a assuré dans une tribune au quotidien Libération que les autorités politiques françaises étaient "parfaitement informées des dérives du système Ben Ali" et de l'évolution de la société, notamment du "mal-être de la jeunesse tunisienne".
Selon Yves Aubin de La Messuzière, en poste à Tunis de 2002 à 2005, l'expertise des diplomates a été "négligée". "L'analyse diplomatique privilégiait le risque de mouvements sociaux à la menace islamiste", a ajouté l'ex-ambassadeur, en rappelant que Nicolas Sarkozy, en visite en 2008 à Tunis, s'était félicité "des progrès de l'espace des libertés publiques".
Les responsables français, de droite comme de gauche, affirmaient régulièrement que Zine El Abidine Ben Ali était un "rempart contre l'islamisme".