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La reprise est au rendez-vous, pas l’emploi

Le FMI revoit la croissance à la hausse alors que le Bureau international du travail (BIT) souligne que le chômage n’a jamais été aussi élevé. Des conclusions apparemment différentes mais pas si contradictoires, selon l’auteur du rapport du BIT.

Une croissance meilleure que prévu pour l’un, un chômage qui s’aggrave pour l’autre. Le Fonds monétaire international (FMI) et le Bureau international du travail (BIT) ont publié, à quelques heures d’intervalles, deux rapports qui pourraient paraître totalement contradictoires.

Le FMI a rehaussé ses prévisions pour 2011 et table désormais sur une augmentation mondiale du PIB de 4,4 % au lieu des 4,2 % prévus en octobre. Un optimisme dû essentiellement aux États-Unis. L’institution présidée par le Français Dominique Strauss-Kahn estime en effet que la croissance américaine devrait s’établir à 3 % en 2011 et non pas 2,3 %. Le FMI applaudit les réductions d’impôts héritées de l’ère Bush et que l’actuel président des États-Unis, Barack Obama, a accepté de prolonger aux termes d’âpres négociations avec les républicains.

Le Bureau international du travail note lui un paradoxe : le PIB, la consommation, le commerce mondial sont tous repartis à la hausse tandis que le chômage "atteint un niveau record pour la troisième année d’affilée", selon les termes du rapport. Il s’est établi à 6,2 % de la population mondiale en 2010. "Alors que les principaux indicateurs macro-économiques sont au vert, il y a toujours plus de 20 millions de chômeurs en plus qu’en 2007", confirme à FRANCE 24 Steven Kapsos, économiste et auteur du rapport du BIT.

Mais la contradiction n’est, en fait, qu’apparente. "Nos conclusions se rejoignent", assure Steven Kapsos. Et, en effet, le FMI souligne également que le principal point noir de son tableau est la situation du marché du travail qui continue de se dégrader notamment dans les pays dits développés. "L’emploi a été plus durement touché que n’importe quel autre secteur de l’économie, voilà la vraie conclusion de la situation actuelle", estime l’auteur du rapport du BIT.

Le danger européen

Il ne s’agirait en fait que d’un décalage dans la reprise. Le Bureau international du travail ainsi que le Fonds monétaire international prévoient que la situation de l’emploi s’améliore légèrement l’année prochaine et continue ensuite sur sa lancée. Mais Steven Kapsos reconnaît que rien n’est joué. "Le plus grand danger actuellement est que dans certains pays, notamment en Europe, le fort taux de chômage devienne une donnée structurelle", prévient-il. C’est ce qu’on appelle une reprise sans création d’emplois. La seule solution pour l’éviter serait de mettre en place des politiques de soutien fort à l’économie, selon lui.

Reste qu’en Europe un tel volontarisme n’est pas à l’ordre du jour. Pour lutter contre les déficits, les gouvernements européens traquent les dépenses jugées inutiles. C’est pourquoi, le FMI et le BIT estiment que la zone euro est l’une des régions les plus en péril à l’heure actuelle. Un manque de marge de manœuvre qui rend les économies européennes particulièrement dépendantes des pays à forte croissance. Contrairement à une idée reçue, en effet, "sans la bonne santé économique de la Chine, de l’Inde ou encore du Brésil, il y aurait beaucoup plus de chômage dans les pays développés", conclut Steven Kapsos.