Le gouvernement de transition a annoncé que tous les prisonniers politiques privés de liberté sous le régime de Ben Ali étaient désormais amnistiés. Pour autant, la présence de ministres proches de Ben Ali continue de susciter des doutes.
Une semaine après la fuite du président Zine El Abidine Ben Ali, tous les partis politiques sont désormais autorisés en Tunisie. Lors du premier conseil des ministres de transition, le gouvernement tunisien a adopté une loi d’amnistie générale pour tous les prisonniers politiques.
"Le ministre de la Justice a présenté un projet de loi d’amnistie générale, qui a été adopté par le conseil des ministres et qui va être soumis au Parlement", a déclaré devant des journalistes le ministre de l’Enseignement supérieur Ahmed Ibrahim, à l’issue de la réunion. "Le mouvement d’Ennahdha sera concerné par l’amnistie générale", a précisé le ministre
Ennahdha ("Renaissance" en français), parti islamiste modéré souvent comparé au parti turc AKP, était interdit en Tunisie depuis le 7 novembre 1989, au lendemain d’élections générales où il avait enregistré un score de 17%. Depuis, le régime de Ben Ali avait fermé la porte à tout "parti religieux". Accusés de "complot terroriste visant à établir un régime confessionnel théocratique", ses membres ont été victimes d’une violente répression politique pendant plus de 20 ans.
"Concrètement, rien ne s’oppose au retour de Rached Ghannouchi, le numéro un du parti Ennahdha, qui vit entre Londres et Paris depuis 1989", précise Virginie Herz, envoyée spéciale de France 24 en Tunisie. "La ligne idéologique du parti n’est pas claire. On dit qu’il est proche des Frères musulmans égyptiens. A priori, il s’oppose à la laïcité de l’État. Vraisemblablement, le parti va se réorganiser dans les jours qui viennent, avec la libération et le retour d’exil de ses membres", ajoute la journaliste.
Dès mercredi, le gouvernement de transition avait ordonné la fin de la détention pour tous les opposants emprisonnés. "Tous les détenus politiques ont été libérés", a affirmé à Reuters le nouveau ministre du Développement régional, Néjib Chebbi, par ailleurs dirigeant d'un parti d'opposition. Leur nombre n’a pas été précisé.
Le gouvernement veut "rompre avec le passé"
Mercredi dans la soirée, le président par intérim Fouad Mebazaa, avait assuré que le gouvernement voulait "rompre avec le passé". Dans cette optique, et sous la pression de la rue, les ministres du gouvernement de transition issus des rangs du Rassemblement constitutionnel et démocratique (RCD), parti de Ben Ali, ont démissionné de cette formation politique."Mais ils conservent leurs postes au sein du gouvernement", signale Virginie Herz. "Reste à savoir si cela va satisfaire l’opposition et la population tunisienne".
Jeudi matin, Zouhair M'Dhaffer, ministre auprès du Premier ministre chargé du Développement administratif qui avait déjà démissionné du RCD, a annoncé dans un communiqué qu'il quittait le gouvernement d'union nationale. Il était déjà ministre sous Ben Ali et a déclaré partir pour "préserver l'intérêt suprême de la nation et favoriser la transformation démocratique du pays".
Un peu plus tard, le RCD a annoncé dans un communiqué avoir dissous son bureau politique. L’annonce a été relayée par la télévision publique tunisienne. "Ca ne signifie pas la disparition du parti, précise Virginie Herz. Le secrétaire général, que nous avons rencontré, nous a assuré que cette formation politique avait encore un avenir. La question est désormais de savoir s’il va survivre au multipartisme et aux élections libres."
Tout au long de la journée jeudi, des milliers de manifestants ont protesté devant le siège du RCD à Tunis. "Le peuple veut la démission du gouvernement", scandaient les manifestants, qui brandissaient des pancartes proclamant : "On n’a plus peur de vous, traitres" et "RCD out !".
Depuis lundi, des manifestations exigent le retrait sine die des figures de l'ancien régime du gouvernement d’union nationale. D’autant plus que ces derniers, au nombre de huit, se sont réservés les postes-clés de l'Intérieur, de la Défense, des Affaires étrangères et des Finances.