Les ministres du Hezbollah et de l'opposition ont démissionné ce mercredi du gouvernement d'union nationale de Saad Hariri. La défection d'un onzième ministre, quelques minutes plus tard, a précipité la chute de ce gouvernement.
AFP - Le gouvernement d'union au Liban s'est effondré mercredi après la démission des ministres du camp du puissant parti Hezbollah, enfonçant le pays dans la crise liée à l'enquête internationale sur l'assassinat du dirigeant Rafic Hariri, contestée par le mouvement chiite.
Les démissions ont été annoncées au moment où le Premier ministre Saad Hariri, fils de Rafic Hariri, était reçu à Washington par le président Barack Obama. Il s'est rendu en soirée à Paris, où il doit rencontrer jeudi le président français Nicolas Sarkozy.
La Maison Blanche a affirmé que le retrait du Hezbollah montrait sa "propre peur et sa détermination à bloquer" les institutions alors que la secrétaire d'Etat Hillary Clinton, en tournée dans le Golfe, a accusé le parti chiite de vouloir "saper la justice" et porter atteinte à la stabilité au Liban.
Mme Clinton mène des contacts avec les responsables français, saoudiens, égyptiens et autres pour leur souligner la nécessité "d'un consensus international pour soutenir le Tribunal" spécial pour le Liban (TSL), selon un responsable américain.
"Les (10) ministres de l'opposition présentent leur démission du gouvernement, en espérant que le président de la République (Michel Sleimane) prendra rapidement les mesures nécessaires pour former un nouveau gouvernement", a annoncé le ministre de l'Energie Gebrane Bassil, entouré des ministres démissionnaires.
Un onzième ministre, le chiite Adnane Sayyed Hussein, un des cinq ministres proches du président de la République considérés comme neutres, a ensuite présenté sa démission, par souci d'équilibre, selon lui.
Le cabinet, qui comptait 30 ministres, s'effondre si plus d'un tiers des ministres se retirent. Le Conseil des ministres nécessite un quorum des deux-tiers des ministres.
M. Hariri devient ainsi Premier ministre en exercice jusqu'à la formation d'un nouveau gouvernement. Il pourrait être renommé, son camp disposant de la majorité parlementaire.
Le président de la République doit procéder à des consultations avec les différents groupes parlementaires pour nommer un nouveau Premier ministre.
"L'autre camp (celui de M. Hariri) s'est plié aux pressions étrangères et notamment américaines", a accusé M. Bassil.
Le Hezbollah, un mouvement soutenu par la Syrie et l'Iran, affirme depuis des mois s'attendre à être mis en cause dans le meurtre en 2005 de l'ex-Premier ministre Rafic Hariri, et fait pression sur Saad Hariri pour qu'il désavoue le TSL.
Il avait donné mardi un délai "de quelques heures" au gouvernement pour prendre une "décision" au sujet du TSL, créé par l'ONU, qui doit rendre prochainement son acte d'accusation.
Saad Hariri refuse tout compromis sur le tribunal, alors que le Hezbollah accuse cette instance d'être "à la solde d'Israël et des Etats-Unis" et de se baser sur de "faux témoins".
Les démissions interviennent après l'échec des efforts de la Syrie et l'Arabie saoudite, qui appuie M. Hariri, le camp du Hezbollah et celui du Premier ministre s'accusant mutuellement de vouloir bloquer la médiation.
"Tous leurs scénarios visaient à faire plier M. Hariri pour qu'il désavoue le tribunal et quand ces scénarios ont échoué, ils ont déclaré une guerre politique contre lui aujourd'hui", a affirmé à l'AFP Mohammad Rahhal, ministre de l'Environnement.
En 2006, six ministres du camp du Hezbollah avaient démissionné du gouvernement de Fouad Siniora, un proche de Saad Hariri, sur fond de crise sur le partage du pouvoir et des divergences sur le tribunal.
La crise avait conduit le pays au bord d'une nouvelle guerre civile en mai 2008, avec des combats entre partisans de M. Hariri et du Hezbollah (près de 100 morts).
M. Bassil a écarté un recours à la violence. "Notre démission est conforme à la Constitution et aux principes démocratiques. Nous ne voulons que recourir aux institutions de l'Etat".