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La communauté noire d'Irak rêve de son Obama

Les Noirs irakiens veulent croire au changement avec les élections provinciales qui se déroulent samedi 31 janvier. Une occasion inédite pour ces descendants d'esclaves africains de présenter leurs propres candidats.

Les élections provinciales qui se tiennent samedi 31 janvier en Irak marquent un changement pour la communauté noire irakienne, qui représente 5 à 6% de la population du pays. Ces descendants d’esclaves africains, présents dans le pays depuis 1000 ans, principalement à Bassora, dans le sud de l’Irak, sont toujours considérés comme des citoyens de seconde zone dans une société multiethnique et multiconfessionnelle.

«L’homme noir n’est pas un citoyen à part entière », explique Jalal Dhiab, secrétaire général du « Mouvement des Irakiens libres ». Fondée en juillet 2007, cette formation politique cherche à combattre le racisme et la discrimination envers les Noirs.

Pour la première fois, huit candidats du   « Mouvement des Irakiens libres » rivalisent avec 1503 autres postulants dans la province de Bassora. Objectif : rafler un ou plusieurs des 35 sièges en jeu. La bataille s’annonce ardue. Mais     « le fait de pouvoir participer est déjà une réussite pour nous ; nous avons pu enfin briser le mur de la ségrégation », tempère Jalal Dhiab.

 
Bannir l’appellation « esclaves »

Jalal Dhiab tient surtout à ce que l’usage du mot « âbd » (esclave), qui désigne les Noirs, soit «incriminé». Or, la loi irakienne est muette face à cette dérive sémantique. « La société irakienne a toujours considéré l’homme noir comme un esclave, et le gouvernement ne fait aucun effort pour nous aider », regrette Jalal Dhiab. « Il y longtemps, il y avait aussi des esclaves blancs en Irak, mais aujourd’hui ce mot reste curieusement associé aux Noirs », rappelle t-il.

L’emploi de « âbd » est courant dans le langage irakien et dans la plupart des pays arabes. Il est souvent employé ou compris dans un sens péjoratif, voire injurieux.


« Si cette communauté n’a jamais été attaquée ni menacée, elle n’en souffre pas moins du regard méprisant des gens », relève l’historien irakien Raâd Jawad. Le mariage mixte est quasi-inexistant, et aucune personnalité noire n’est connue sur la scène irakienne.

La plupart des 1,5 à 2 millions de Noirs irakiens vivent dans des conditions difficiles. Certains sont comme des esclaves, asservis à la tribu irakienne à laquelle ils appartiennent depuis plusieurs générations et dont ils portent le nom. L’esclavagisme a pourtant été banni en 1924 par le roi Fayçal d’Irak.

Les premiers esclaves africains sont arrivés en Irak en 860 de notre ère. Ils y ont été emmenés de Zanzibar afin de rejoindre les rangs de l’armée du calife abbasside Jaâfar Al-Mutawakkil, qui voulait élargir son califat.

Ils n’ont pu être admis dans les écoles publiques que dans les années 1960. Pour Jalal Dhiab, « il reste un long chemin à parcourir pour qu’un jour nos jeunes deviennent des leaders dans le pays ».

Un Obama irakien ? « Peut-être un jour ! »

Le destin de Barack Obama aux États-Unis a ravivé l’espoir de cette communauté d’acquérir considération, dignité et respect. « L’arrivée d’un candidat noir à la Maison Blanche est une victoire pour toute l’humanité, elle nous encourage à poursuivre notre combat », souligne Jalal Dhiab, qui souhaite rencontrer Obama lors de sa visite éventuelle en Irak.

Le succès d’Obama a été salué par tous les Noirs d’Irak, notamment à Bassora, où ils représentent 15 à 20 % de la population de la province. « On a fêté sa victoire comme s’il était un des nôtres », se réjouit Mohammad Jassem, habitant de la grande ville du sud.

Les Noirs de Bassora ont distribué des gâteaux et des bonbons dans les rues pour marquer l’inauguration de Barack Obama… en attendant « leur » Obama irakien.