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Un conseil interministériel doit se pencher, ce samedi, sur les émeutes qui ont éclaté dans de nombreuses villes d'Algérie entre jeunes manifestants et policiers. Au moins trois personnes ont été tuées depuis le début des affrontements.

Alors que les affrontements entre jeunes manifestants et policiers se sont multipliés ce vendredi dans plusieurs villes d'Algérie, un conseil interministériel devait se tenir ce samedi pour examiner la situation alarmante dans le pays. Le ministère de l'Intérieur annonce que trois personnes ont été tuées et 400 personnes blessées, dont 300 policiers, au cours des quatre derniers jours.

Un homme est mort vendredi dans la ville de Bou-Ismail, située sur le littoral à 50 km à l’ouest d'Alger, dans la wilaya (préfecture) de Tipaza. Le manifestant, âgé de 32 ans, serait décédé après avoir reçu une grenade lacrymogène en pleine figure, selon une source médicale citée par l’AFP.

À 300 km au sud-est d’Alger, dans la région de M'Sila, un jeune homme de 18 ans a été tué par balle. Selon le quotidien arabophone "El Khabar", la police tentait de repousser des manifestants qui avaient réussi à pénétrer de force à l'intérieur de la poste et de la daira (sous-préfecture) de la localité d’Ain el-Hadjel.

"La police n’avait pas fait usage de balles réelles, jusqu’à maintenant, rapporte Kamal Zait, correspondant de FRANCE 24 à Alger. La nuit dernière a été très agitée. Les jeunes ont encore investi les rues pour protester contre le coût de la vie, le chômage et les problèmes sociaux. La situation est de plus en plus critique, et la police semble dépassée par la tournure que prennent les événements. Certains commencent à réclamer les solutions prévues par la Constitution dans des cas similaires", à savoir l’état d’urgence ou l’état d’exception.

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Des émeutiers tués lors des échauffourées entre policiers et manifestants

Deux ministres montent au créneau

Les autorités sont sorties de leur silence depuis vendredi, pour tenter de calmer une situation qui dégénère depuis le milieu de la semaine. Le ministre du Commerce, Mustapha Benbada, a promis la tenue ce samedi d’un conseil interministériel destiné à trouver des solutions à la hausse de prix des produits de première nécessité à l'origine de ces émeutes.

"Ce qui est scandaleux, c’est que c’est un conseil qui vient en retard", s’insurge Fodil Boumala, écrivain et journaliste, joint par FRANCE 24. Cela fait plusieurs jours que les émeutes sont là et que le gouvernement est absent. Et aujourd’hui, leur angle d’attaque est faux : ils veulent donner une lecture socio-économique aux protestations. Or la crise est plus profonde que les revendications sociales. Elle est une affaire politique."

De son côté, le ministre de la Jeunesse et des Sports, Hachemi Djiar, a appelé les jeunes manifestants à "dialoguer de façon pacifique et civilisée", à "réfléchir et à voir tout ce qui a été réalisé en Algérie en un laps de temps quand même record". La violence "n'a jamais donné des résultats, ni en Algérie ni ailleurs, et cela nos jeunes le savent", a affirmé le ministre lors d'une visite à Constantine, dans le nord-est du pays. Lors de la grande prière hebdomadaire, plusieurs imams d'Algérie ont également appelé au calme.

Extension du mouvement de protestation

Après deux nuits d'émeutes, les affrontements entre jeunes manifestants et forces de l'ordre ont pris une tournure violente en début d'après-midi vendredi. "Depuis jeudi, des rumeurs circulaient sur le fait que ce vendredi, premier jour du week-end, serait la journée de la colère, raconte Kamal Zait. Il n'y a finalement pas eu de grandes émeutes, mais juste après la grande prière, des routes ont été barrées dans le quartier de Belcourt [un quartier populaire d'Alger, ndlr]. Des jeunes en colère ont jeté des pierres sur les policiers."

Les forces de l'ordre ont fait usage de gaz lacrymogènes et de canons à eau pour disperser les manifestants algérois. "On parle de dizaines de blessés par les policiers et les dégâts matériels sont très importants, ajoute le correspondant de FRANCE 24. Il y a des saccages et des pillages de biens publics et privés."

Les affrontements ont également éclaté à Annaba, dans la banlieue d'Alger. En milieu d'après-midi, des centaines de jeunes ont attaqué des policiers en leur jetant des pierres. Ces échauffourées se sont ensuite étendues à la cité voisine des Lauriers-Roses.

À Oran, métropole de l'ouest algérien, les affrontements ont repris vendredi après-midi dans le quartier périphérique du Petit-Lac. Mercredi soir, plusieurs édifices avaient été saccagés. Des quartiers de Tébessa, à la frontière tunisienne, de Tizi Ouzou, en Kabylie, de la ville de Béjaïa, à 250 km à l'est d'Alger, ou encore les localités voisines de Tazmalt et Sidi Aïch, ont également vu éclater des émeutes.

Pour minimiser le risque d'une contagion des émeutes, la Ligue nationale de football a reporté tous les matchs programmés ce week-end. L'envoi de messages a également été bloqué sur tous les réseaux de téléphone mobile pour éviter qu'informations et rumeurs ne se propagent, assure notre correspondant Kamal Zait.