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Le Nord du Soudan dans l'incertitude avant la sécession probable du Sud

À quelques jours du référendum qui doit aboutir à la partition du plus vaste pays d'Afrique, le régime de Khartoum tente avant tout de conforter son pouvoir dans le Nord et de s'assurer que le pétrole du Sud continuera à circuler dans ses pipelines.

Personne n'aurait imaginé un tel événement il y a encore quelques mois. Mardi, Omar el-Béchir a été accueilli en grande pompe dans la capitale du Sud, Juba. Encore moins probable : le président soudanais est arrivé avec un message de paix : "Je célèbrerai votre décision même si vous choisissez la sécession", a-t-il déclaré.

En octobre, Omar el-Béchir affirmait encore devant le Parlement que l'unité du Soudan n'était pas négociable, et mettait en garde les Sud-Soudanais contre un vote en faveur de leur indépendance lors du référendum du 9 janvier. De leur côté, les leaders sudistes alertaient la communauté internationale sur un déplacement des troupes de Khartoum vers le Sud, et demandaient aux Nations unies d'envoyer des forces à la frontière.

Résultat de plus de deux décennies de guerre civile, le ressentiment des Sudistes à l'égard du Nord reste extrêmement fort, et d'importants dispositifs de sécurité ont été déployés à l'occasion de la visite du président soudanais dans la région. Mais c'est l'apparente résignation d'Omar el-Béchir face à la future partition du pays qui a marqué son bref séjour à Juba.

"Les parties qui ont signé l'accord de paix de 2005 ont promis que leur priorité serait d'œuvrer à l'unité du pays, explique Abdelrahmen el-Zouma, porte-parole du Parti du congrès national (PCN, au pouvoir). Malheureusement, la plupart d'entre elles n'ont pas respecté l'essence de cet accord. Mais désormais, nous n'en sommes plus là : le PCN est prêt à accepter le résultat du référendum et cherche uniquement à établir les meilleures relations possibles avec le nouvel État. La visite du président El-Béchir en est la preuve."

Consolider son pouvoir dans le Nord

L'apparente volte-face du PCN et du président soudanais, toujours sous mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), a réduit les craintes de la communauté internationale concernant le risque d'un nouveau conflit entre les deux parties. Elle prouve également que les priorités de Khartoum, pour la période post-référendaire, ont changé.

Fin décembre, dans une rare intervention publique, Omar el-Béchir a appelé les partis d'opposition à former "un gouvernement de coalition, pour favoriser l'unité du front intérieur", selon l'agence nationale Suna. Une déclaration qui, pour les observateurs soudanais, témoigne de la position délicate dans laquelle se trouve le président soudanais à la veille du référendum.

Si le Sud vote comme prévu en faveur de l'indépendance, un quart des sièges du Parlement et du gouvernement seront laissés vacants après le départ des responsables politiques sudistes en 2011, et donc potentiellement accessibles aux membres de l'opposition nordiste.

"La prochaine bataille au Soudan, après le référendum, se jouera entre Omar el-Béchir et le peuple, affirme Salah Eddine el-Douma, professeur en relations internationales à l’université de Khartoum. Il y aura sans doute une révolte et nul ne peut jurer qu’elle restera pacifique. Le Sud n’est plus le concurrent d’El-Béchir ni son ennemi : son prochain adversaire viendra de l’intérieur."

L'opposition nordiste hésite à soutenir Omar el-Béchir au moment où le mandat d'arrêt international de la CPI l'isole politiquement et économiquement, et alors que le conflit au Darfour semble loin d'être résolu.

L'avenir du pétrole

À l'avenir du Sud est lié celui des richesses naturelles de la région. Le pétrole représente 90 % des exportations du Soudan. Le pays produit actuellement environ 500 000 barils par jour, mais près des trois quarts sont pompés dans le Sud.

Depuis la signature de l'accord de paix en 2005, le Nord et le Sud partagent équitablement les revenus du pétrole. La totalité des infrastructures d'extraction, de raffinage et de transport appartiennent au Nord et dans un futur proche, le pétrole du Sud continuera à transiter vers Khartoum. Mais le PCN ne peut garantir que cette configuration continuera à fonctionner longtemps après la sécession.

"Nous sommes définitivement préoccupés par le fait que le Sud puisse solliciter d'autres pays pour exploiter ses réserves", admet le porte-parole du PCN, Abdelrahmen el-Zouma. De nombreux acteurs internationaux regardent avidement du côté des richesses du Sud."

Lors de sa visite à Juba, Omar el-Béchir n'a pas oublié de mentionner le pétrole et son désir de voir se poursuivre la coopération entre Khartoum et le nouveau gouvernement du Sud concernant son extraction. Longtemps accusé d'avoir alimenté la guerre civile entre le Nord et le Sud, le pétrole pourrait devenir un facteur de paix durable.

De nombreux dossiers, tels que la région disputée d'Abyei, la citoyenneté ou la délimitation des frontières, vont contraindre le Nord et le Sud à travailler ensemble dans les prochains mois, voire les prochaines années. Le pétrole sera certainement l'un des enjeux de ces discussions. "Nous espérons que nos frères du Sud nous écouteront. Ils n'ont aucun débouché maritime et pas un kilomètre de pipeline. S'ils sont rationnels, ils nous écouteront", indique Abdelrahmen el-Zouma.