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La communauté chrétienne accuse le pouvoir et le président Moubarak de ne pas tenir compte de la violence et des discriminations dont les coptes sont victimes. Ils fêteront, le 7 janvier, un Noël sous haute tension.

L’église était menacée sur un site islamiste

L'église d'Alexandrie visée par un attentat dans la nuit du Nouvel An figurait sur une liste de lieux de culte coptes désignés comme cibles par un site internet d'Al-Qaïda. Choumoukh al-Islam avait publié le 2 décembre une liste d’une cinquantaine d’églises coptes en Égypte mais aussi en Europe, accompagnée d’un message sans équivoque : l’auteur y invitait "tout musulman qui se soucie de la réputation de ses sœurs à faire exploser" ces lieux de culte au moment où "ils seront remplis". La révélation de cette liste oriente un peu plus les autorités égyptiennes vers la piste d’Al-Qaïda.

C’est un Noël au goût de sang que s’apprêtent à fêter les coptes d’Égypte, vendredi 7 janvier, une semaine jour pour jour après le sanglant attentat de l’église des Saints, à Alexandrie, et un an après l’attaque de l’église Saint-Jean à Louxor, qui avait fait 7 morts.

Pour éviter un nouveau bain de sang, le dispositif policier a été renforcé devant plusieurs églises orthodoxes du Caire et d'Alexandrie. Ainsi, les véhicules ne sont plus autorisés à stationner à proximité des édifices religieux.

Affrontements au Caire et à Alexandrie

Mais ces mesures viennent trop tardivement pour la communauté copte à bout de nerfs. Une ambiance électrique régnait dimanche au Caire et à Alexandrie, à la sortie de la messe, où des centaines de manifestants ont affronté les forces de l’ordre pendant plusieurs heures. Dans la capitale égyptienne, des dizaines d’entre eux ont jeté des projectiles sur les policiers dans un quartier copte.

"Les gens sont remontés (...). La colère a commencé à monter chez les coptes et risque de se transformer en violence comme à Omraniya", estime le révérend Abdel Massih Bassit, professeur à l’Institut copte orthodoxe du Caire. Omraniya, ce quartier du sud-ouest du Caire où les autorités avaient refusé, en novembre dernier, la transformation d'un centre communautaire en lieu de culte orthodoxe. Conséquence : de violentes manifestations, et deux morts parmi les coptes.

Alors que la tension monte, le pouvoir égyptien cherche à tout prix à éviter les affrontements confessionnels en interprétant à sa manière le terrible attentat du vendredi 31. Un attentat, explique le gouverneur d'Alexandrie, Adel Labib, qui "a visé l'ensemble des Égyptiens et pas les frères coptes", une habile déclaration pour ne pas cibler leur communauté.

De son côté, le président égyptien Hosni Moubarak a lancé un appel à l’unité égyptienne lors d’une intervention télévisée dimanche soir, désignant derrière l’attentat de l’église des Saints une main étrangère, celle d’Al-Qaïda (voir encadré). En novembre, un groupe irakien lié à la nébuleuse islamiste avait menacé de s'en prendre à la communauté copte d'Égypte. Et deux semaines environ avant l'attentat de vendredi soir, un communiqué diffusé par un site islamiste appelait les musulmans à attaquer des églises en Égypte et ailleurs au moment de Noël, soit le 7 Janvier.

"J’accuse" à l’égyptienne

Mais la colère ne retombe pas pour autant. Les coptes reprochent au pouvoir de ne rien faire pour apaiser les tensions et mettre fin aux discriminations dont ils se disent l’objet.

Alors qu’un millier de coptes a manifesté dimanche au Caire devant le ministère des Affaires étrangères et les locaux de la télévision d'État, plusieurs centaines de personnes massées dans l’enceinte de la cathédrale Saint-Marc (siège du patriarche copte orthodoxe, Chenouda III) ont pris à partie les responsables qui venaient présenter leurs condoléances. Ils ont jeté des pierres sur Osmane Mohamed Osmane, secrétaire d'État au Développement économique, et encerclé la voiture du grand imam de la mosquée Al-Azhar, Ahmad al-Tayeb, l'un des principaux responsables religieux musulmans du pays.

Dimanche, dans une tribune publiée sur le site de l’hebdomadaire al-Ahram, un célèbre éditorialiste égyptien résumait la situation dans un "J’accuse" à l’égyptienne. "Je ne suis pas Zola [Emile Zola, auteur en 1898 du célèbre texte], écrit Hani Shukrallah, mais (…) j’accuse un gouvernement qui semble croire qu’il déjouera les manœuvres des islamistes en faisant de la surenchère (…) J’accuse les autorités qui (…) aiment à l’occasion jouer la carte des sentiments anti-coptes, un excellent moyen de détourner l’attention des problèmes politiques (…) J’accuse les millions de musulmans dits modérés parmi nous, de plus en plus intolérants, exclusifs et bornés. Et, finalement, j’accuse les intellectuels progressistes, autant musulmans que chrétiens, (…) qui pensent qu’il est suffisant de se joindre aux futiles concerts de dénonciations (…) alors que les massacres s’étendent, plus horribles à chaque fois."