Les ravisseurs des journalistes français Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, retenus depuis plus d'un an en Afghanistan, estiment que ceux-ci sont des espions. Des accusation "absurdes", retorque Paris.
AFP - Les talibans ont accusé samedi pour la première fois d'espionnage les deux journalistes français retenus depuis un an en Afghanistan et affirment que la France ignore leurs exigences pour la libération des otages, suscitant des démentis catégoriques de Paris.
Un porte-parole des talibans, Zabihullah Mujahid, joint par l'AFP à Kandahar (sud de l'Afghanistan), a affirmé que les journalistes de la chaîne France 3 Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier avaient été capturés parce qu'ils "collectaient du renseignement" dans une zone contrôlée par les talibans.
"Les informations qu'ils collectaient n'étaient pas des informations dont un journaliste a besoin. Les informations qu'ils récoltaient étaient plus dans l'intérêt d'agences d'espionnage", a-t-il déclaré.
"Ils ont été "arrêtés" pour deux raisons: premièrement, ils ne nous ont pas contactés (...) et s'étaient rendus dans la zone sans notre permission. Deuxièmement, il étaient en train de récolter des informations qui tenaient du renseignement", a-t-il poursuivi.
Le ministère français des Affaires étrangères a "catégoriquement" démenti "l'accusation d'espionnage absurde" portée par "un soi-disant porte-parole taliban", soulignant dans un communiqué que les deux hommes avaient été enlevés "dans l'exercice de leur profession".
De son côté, France Télévisions a rejeté "avec la plus grande vigueur" ces accusations "infondées et ridicules".
"Au moment de leur enlèvement, ils (les journalistes) recueillaient des témoignages de civils afghans en vue de compléter leur tournage et ne cherchaient pas à entrer en contact avec les talibans", ajoute le groupe public de télévision dans un communiqué.
Le porte-parole taliban Zabihullah Mujahid a également dénoncé la responsabilité des autorités françaises dans la durée de la détention des deux otages. "Nous avons présenté nos conditions et nos exigences il y a déjà un an au gouvernement français en échange de la libération des otages français", a-t-il dit. "Ce sont des exigences très simples et très faciles à remplir, mais malheureusement ils n'ont pas prêté beaucoup d'attention à nos conditions", a-t-il poursuivi, refusant de révéler ces revendications.
Si les autorités françaises "avaient accepté nos conditions, ils (les otages) auraient déjà été libérés", a assuré ce porte-parole.
Les discussions se poursuivent
De Paris, le comité de soutien aux deux journalistes a jugé "intolérables" les accusations d'espionnage, mais s'est toutefois demandé si la France "négociait vraiment avec les talibans" et s'il y avait "une réelle volonté politique ici en France" au vu des nouvelles accusations des talibans.
"Depuis un an, les discussions se poursuivent sans relâche pour permettre à nos compatriotes de retrouver leurs familles sains et saufs", a assuré de son côté le Quai d'Orsay.
La veille, le président Nicolas Sarkozy avait affirmé que la France continuerait à se mobiliser "jusqu'au jour de la libération" de tous ses otages à l'étranger, lors de la présentation des ses voeux aux Français.
Les deux journalistes français et leurs trois accompagnateurs afghans ont été enlevés le 30 décembre 2009 à une soixantaine de km à l'est de Kaboul, dans la province instable et montagneuse de la Kapisa.
Une partie des troupes françaises de la force de l'Otan (Isaf) est stationnée dans cette zone, une présence qui donne à leur enlèvement par un groupe taliban local une portée politique et complique les négociations.
Dans une vidéo transmise en avril, les talibans avaient menacé de tuer les journalistes et leurs accompagnateurs si Paris n'obtenait pas, notamment de Kaboul et de Washington, la libération de prisonniers en échange de leur remise en liberté.
Le 28 décembre, une nouvelle vidéo, qui daterait de la mi-novembre, montrant les journalistes "très amaigris" mais avec "bon moral" a été diffusée à leurs proches au Quai d'Orsay, selon le père de Stéphane Taponier.
Le 29 décembre, de très nombreuses manifestations de soutien et de solidarité ont été organisés en France pour marquer les un an de captivité des otages.