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La communauté internationale s'inquiète de la montée des tensions à Abidjan

Alors que le clan de Laurent Gbagbo a appelé à "libérer" l'hôtel où est retranché Alassane Ouattara, ce dernier a donné jusqu'à minuit au président sortant pour céder le pouvoir. La communauté internationale craint une flambée de violence.

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Que ce soit à Abidjan, New York, Abuja ou Paris, les craintes d’une flambée de violence en Côte d’Ivoire se font grandissantes à quelques heures du passage à 2011. Témoignage de l’inquiétude qui gagne la communauté internationale, la France a une fois de plus, ce vendredi, invité ses quelque 15 000 ressortissants à quitter provisoirement le pays en raison de la "crise politique aiguë" dans laquelle son ancienne colonie est plongée depuis le second tour de l’élection présidentielle du 28 novembre.

"Bien que les ressortissants étrangers ne soient pas jusqu'à présent directement menacés, les autorités françaises renouvellent leur conseil de différer les projets de voyages vers la Côte d'Ivoire et, à tous les Français qui le peuvent, notamment aux familles avec enfants, de quitter provisoirement la Côte d'Ivoire dans l'attente d'une normalisation de la situation", indique un communiqué du Quai d'Orsay.

L’ONU redoute des "crimes contre l’humanité"

Si nul ne sait à quel scénario précis s’attendre, la situation sur le terrain reste très tendue. Par la voix de Guillaume Soro, son Premier ministre, Alassane Ouattara, reconnu comme le président ivoirien par la communauté internationale, a donné à Laurent Gbagbo jusqu'à vendredi minuit pour quitter le pouvoir. Mercredi, Charles Blé Goudé, le leader des Jeunes patriotes et actuel ministre de la Jeunesse de Laurent Gbagbo, avait exhorté ses partisans à "libérer à mains nues", dès le 1er janvier, l’hôtel du Golf où s’est retranché le gouvernement Ouattara. Un appel qui ne laisse d’inquiéter les Nations unies qui ont déjà déployé quelque 800 casques bleus sur le site.

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Côte d'Ivoire : la médiation impossible
La communauté internationale s'inquiète de la montée des tensions à Abidjan

D’après l’organisation internationale, les violences post-électorales auraient déjà coûté la vie à 179 personnes depuis la fermeture des bureaux de vote. Plusieurs experts onusiens se disent "profondément préoccupés par les violations importantes des droits de l'Homme qui pourraient constituer des crimes contre l'humanité". "Selon des sources crédibles, ajoutent-ils, des disparitions forcées ou involontaires, des détentions arbitraires, des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, et des actes de violence sexuelle pourraient avoir eu lieu ou pourraient encore se produire en Côte d'Ivoire."

Le Liberia va accueillir un premier camp de réfugiés pour les Ivoiriens qui y sont déjà, près de 20.000, et qui continuent d'affluer chaque jour dans la crainte d'une guerre civile, a annoncé vendredi le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR).

La Cédéao menaçante

Bien qu’elle continue de privilégier la voie du dialogue, la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) s’est dite prête, quant à elle, à intervenir militairement dans le pays. Ce vendredi, les chefs militaires de l’organisation ont affirmé s’être accordés sur un plan visant à déloger Laurent Gbagbo du fauteuil présidentiel en cas d’échec des négociations entamées mardi par trois de ses émissaires.

L'Ecomog, bras armé de la Cédéao

L'Ecomog a été créée par la communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) en 1990 pour intervenir au Liberia, alors en proie à une guerre civile. Conçue au départ comme une solution temporaire, la Cédéao en fait une force permanente en 1999.

Outre le Liberia, l'Ecomog est intervenue en Sierra Leone, en Guinée-Bissau et en Côte d'Ivoire.

"Les chefs d'état-major se sont rencontrés mardi et mercredi pour mettre la machine en marche. Si tous les moyens de persuasion politique échouent [...] la Cédéao prendra par la force le pouvoir à Laurent Gbagbo et le donnera à Alassane Ouattara, a indiqué à l'AFP le porte-parole de l'armée nigériane, le colonel Mohamed Yerimah. C'est le dernier recours mais, avec un peu de chance, Gbagbo sera convaincu de quitter le pouvoir d'une manière politique sans contrainte militaire."

Une initiative qui a d’ores et déjà reçu le soutien de Londres. Par la voix de son chef de la diplomatie, William Hague, le Royaume-Uni a indiqué qu’il appuierait aux Nations unies le principe d'une intervention ouest-africaine en Côte d’Ivoire. "Gbabgo ne devrait pas sous-estimer la détermination de la communauté internationale à faire reconnaître la volonté du peuple de ce pays et à assurer un transfert de pouvoir démocratique", a déclaré le secrétaire du Foreign Office à la BBC.

La CEI réaffirme la victoire de Ouattara

Isolé sur le plan international, le président sortant ne semble cependant pas disposé à céder le pouvoir au profit d'Alassane Ouattara, donné vainqueur de la présidentielle avec 54,1 % des suffrages par la Commission électorale indépendante (CEI), le 2 décembre. Résultat que le Conseil constitutionnel a invalidé en raison de fraudes et d’irrégularités dans sept régions du nord du pays.

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Faux, rétorque la CEI. Lors d’une conférence de presse organisée ce vendredi à Paris, le porte-parole de l’institution, Yacouba Bamba, a rappelé que les rapports des préfets de ces bastions d’Alassane Ouattara ne "font pas état de morts ni d'urnes emportées contrairement à d'autres régions de l'ouest du pays, où il y a eu des morts et des urnes cassées et emportées".

Dans l’impossibilité de "communiquer avec les Ivoiriens par la radio télévision nationale [la RTI]", le président de la CEI, Youssouf Bakayoko, a réaffirmé que les chiffres annoncés le 2 décembre depuis l’hôtel du Golf, "seul endroit sécurisé pour proclamer les résultats", ont été approuvés par la mission des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci), dont le mandat avait été sollicité par les différents acteurs politiques du pays. Accusé de partialité par le camp Gbagbo, Youssouf Bakayoko a également rappelé que "la CEI est composée d’hommes et de femmes d’horizons politiques divers qui ont prêté serment de ne dire que la vérité."

"Notre message aux Ivoiriens est de garder patience, a précisé de son côté Yacouba Bamba. Les Ivoiriens se sont exprimés dans les urnes. Il faut que la volonté du peuple soit respectée." Reste à savoir si elle le sera par le dialogue ou par la force.