43 Haïtiens, arrivés illégalement en France dimanche, attendent de passer une audience devant des juges des libertés et de la détention, qui doivent statuer sur leur remise en liberté. Les immigrés ont été placés dans la zone d’attente de Roissy.
Marie-Édithe, accompagnée de son petit garçon, d’un cousin et d’une ribambelle d’amis, fait les cent pas dans le hall du tribunal de Bobigny, balayé par un courant d’air glacé. Ses traits sont crispés par l’anxiété. Sa fille, Édia, 20 ans, doit passer dans la journée devant un juge des libertés et de la détention (JLD). À l’instar de 42 autres Haïtiens, également présentés au JLD ce jeudi, la jeune femme a été placée en zone d’attente dimanche, alors qu’elle tentait d’entrer sur le territoire français munie d’un simple visa de transit.
"Là-bas, à Port-au-Prince, c’était devenu très compliqué pour elle", raconte Marie-Édithe. "Elle dormait sous la tente depuis le séisme du 12 janvier [2010], elle a assisté à des fusillades… Il y a aussi la maladie [le choléra]. Alors elle est partie. Et puis maintenant, elle est coincée ici, sans pouvoir rentrer à la maison".
Fuir la misère et la violence
Depuis dimanche, Marie-Édithe s’est rendue à deux reprises en zone d’attente. Cela fait six ans qu’elle n’a pas serré sa fille dans ses bras. À l’époque, elle avait été contrainte de se réfugier en France pour fuir les persécutions qu'elle et son mari, militant de l'opposition, subissaient en Haïti. Une histoire tristement banale. Aujourd’hui, c’est donc au tour d’Édia de fuir Haïti, la violence, la misère et le choléra. Tout comme ses 42 compagnons d’infortune.
"Les Haïtiens qui rencontrent le juge aujourd’hui sont en France pour la même raison : ils fuient un pays qui n’offre plus aucun espoir, où il n’y a plus d’opportunités. Vu la situation, qui voudrait rester là-bas ?", s’interroge Louis, emmitouflé dans une grande écharpe sombre. Lui, c’est sa nièce qu’il est venu chercher. Ils sont des dizaines dans son cas, à piétiner devant les portes du tribunal, pour attendre un père, une sœur, une nièce ou un cousin.
Un visa pour le Bénin
Tous sont arrivés à l’aéroport de Roissy munis d’un visa étudiant pour le Bénin – un programme d’échange a été mis en place avec Haïti – , d’un visa de transit pour la France et d’un billet vers Paris. Aucun ne détenait de billet d’avion pour Cotonou. Une situation identique à celle des 32 Haïtiens arrêtés trois jours plus tôt, le 23 décembre. "Je pense qu’ils ont été victimes d’un passeur, estime Sylvain Saligari, avocat de six Haïtiens arrivés dimanche. Aucun d’entre eux ne semblait connaître la nature des papiers qu’ils avaient. "
Jeudi dans la soirée, les deux juges des libertés et de la détention mobilisés à Bobigny n’avaient pas encore décidé du sort des 43 Haïtiens. "Si on présente au juge des garanties de représentation suffisantes, c'est-à-dire la preuve que leurs familles installées en France ont les moyens de les accueillir, ils peuvent être libérés, explique Sylvain Saligari. Mais aucun seuil de revenu n’est fixé par la loi, la remise en liberté de ces personnes reste donc soumise au bon vouloir des juges".
En début de semaine, la justice a libéré les 32 Haïtiens arrivés le 23 décembre sans visa valable. "Je ne vois pas pourquoi la justice en libérerait certains et pas d’autres qui se trouvent dans des situations similaires, estime Armelle Gardien, du Réseau éducation sans frontières (RESF). Nous avons donc bon espoir que la justice soit clémente avec les Haïtiens qui comparaissent aujourd’hui".