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L'autoritaire Viktor Orbán prend la tête du Conseil de l'Union européenne

Après Bruxelles, c'est Budapest qui prend pour six mois la présidence tournante du Conseil de l'Union européenne. Conservateur au discours nationaliste et populiste, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán est accusé de dérives autoritaires.

C'est avec une certaine inquiétude que l'Union européenne (UE) va remettre le flambeau de la présidence du Conseil à Budapest, ce 1er janvier, six ans après son adhésion. Depuis le triomphe de son parti aux élections législatives en avril 2010, le charismatique Premier ministre Viktor Orbán dirige son pays d'une main de fer. Se montrera-t-il plus souple lorsqu'il s'agira de concilier les intérêts de 27 pays ? "Nous, Hongrois, sommes très bons dans la gestion des crises", a assuré Viktor Orbán fin décembre, pour tenter de rassurer ses partenaires européens.

Ambitieux, autoritaire, brillant, cet ancien héros de la résistance au communisme s'est mué en un temps record en un dirigeant conservateur, aux accents populistes et nationalistes. Aujourd'hui, Viktor Orbán apparaît de plus en plus contesté.

Ce samedi, au moment même où la Hongrie prend pour la première fois la présidence tournante du Conseil de l'Union européenne, une loi controversée sur le contrôle des médias entre en vigueur dans le pays. Désormais, un Haut Conseil des médias pourra sanctionner les organes de presse qui ne seront pas jugés "équilibrés politiquement". L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) - entre autres - s'en est inquiétée, mettant en garde contre une loi qui "pourrait réduire au silence les médias critiques et le débat public".

Le plus jeune Premier ministre de Hongrie

Viktor Orbán n'en est pas à son premier "coup". En politique, ce fils de paysan, aujourd'hui père de cinq enfants, ne traîne pas. Dès 1988, à tout juste 24 ans, il fonde l'Alliance des jeunes démocrates, la Fidesz. Ce parti est alors un mouvement de jeunesse "libéral et alternatif", et Viktor Orbán un jeune étudiant en droit qui porte barbe et cheveux longs. Un an plus tard, il est le premier à réclamer le départ des troupes russes et la tenue d'élections libres place des Héros, à Budapest. Il y révèle ses qualités d'orateur.

En 1990, Viktor Orbán est élu député avec vingt autres membres de la Fidesz, avant de prendre la tête du parti en 1993. Très vite, il comprend qu'à gauche la place est prise et organise le virage à droite de l'organisation. La Fidesz se dote d'un programme conservateur. En 1998, alliée au parti des petits propriétaires et travailleurs agraires, elle remporte les législatives : Viktor Orbán devient alors, à 35 ans, le plus jeune Premier ministre de l'histoire hongroise et l'un des plus jeunes d'Europe.

Au cours de son premier mandat, il œuvre à réduire les déficits publics, la fiscalité, le chômage mais aussi le nombre de fonctionnaires. Il s'empare de la question des minorités hongroises - les Magyars - disséminées en Roumanie ou en Slovaquie, provoquant des tensions avec ses voisins.

En 2002, la coalition menée par la Fidesz arrive à nouveau en tête du premier tour des législatives mais l'opposition forme une alliance, et Viktor Orbán est donc contraint de quitter le pouvoir. Bien qu’élu, il déserte également le Parlement mais continue, dans la rue, à haranguer la population. Il critique vertement les socialistes et les libéraux, attise un antisémitisme latent.

Concentration du pouvoir et réformes en rafale

Après huit ans dans l'opposition, il prend sa revanche en avril 2010 en triomphant lors des législatives. La Fidesz remporte une majorité historique des deux tiers au Parlement. À 47 ans, Viktor Orbán est de retour au poste de Premier ministre. Pendant la campagne, il a joué les cartes populiste et nationaliste. Il a surtout beaucoup promis : la création d'un million d'emplois en dix ans - le pays ne compte que dix millions d'habitants -, la baisse radicale des impôts... "Nous allons sortir le pays du désespoir", lance-t-il alors. Il entend également réduire le nombre de députés et d'élus locaux et veut accorder la nationalité aux minorités hongroises des pays voisins.

Depuis sa victoire, il a concentré le pouvoir et verrouillé les postes clés. À la Cour des comptes, à la présidence de la République ou encore à l'Organe de supervision des institutions financières, les responsables sont désormais des fidèles. En quelques mois, des dizaines de lois ont été adoptées, souvent en quelques jours et il entend poursuivre les "grandes réformes". "On peut appeler cela une révolution", a-t-il déclaré dans une interview au quotidien français "Le Figaro" le mois dernier.

Son gouvernement, qui a hérité d'une économie sous tutelle du Fonds monétaire international (FMI), de l'Union européenne (UE) et de la Banque mondiale, s'est opposé à Bruxelles concernant les conditions de réduction de son déficit. La Hongrie doit "reprendre en main sa souveraineté économique", insiste Viktor Orbán.

S'il n'est jamais apparu comme un farouche pro-européen, le Premier ministre hongrois assure aujourd'hui "qu'il fera en sorte de rapprocher l'UE du cœur des gens". Il devra surtout gérer d'importants dossiers : la crise de la zone euro - dont Budapest ne fait pas partie -, des négociations sur le budget pluri-annuel ou encore l'intégration des Roms.