L'ONU dénonce des violations massives de droits de l’Homme de la part des partisans de Laurent Gbagbo. Nos envoyés spéciaux à Abidjan ont passé la nuit dans un quartier pro-Ouattara qui vit dans la crainte. Reportage.
Depuis plusieurs jours, les patrouilles de la mission de l’ONU en Côte d’Ivoire, l’Onuci, bloquées par les forces de sécurité de Laurent Gbagbo, ne pénètrent plus dans les zones pro-Ouattara. Les chiffres font peur : 173 personnes auraient été tuées et 90 torturées en cinq jours. Selon les Nations unies, les enlèvements et les violences ont lieu la nuit, principalement dans les quartiers réputés favorables à Alassane Ouattara. Nos envoyés spéciaux à Abidjan, Karim Hakiki et Cyril Vanier, ont passé la nuit avec les habitants de l’un de ces quartiers. Dès la tombée du jour, ces Abidjanais se barricadent et veillent, sur le pied de guerre.
Sur le toit d’une bâtisse, à 22 heures, une poignée d’hommes veille. Depuis plusieurs jours, les habitants de ce quartier disent être attaqués la nuit. Alors les réflexes de la guerre civile ivoirienne refont surface. Des hommes montent la garde.
Sékou est le commandant de zone, il explique le dispositif : "Le mot d’ordre, ce soir, c’est vigilance, vigilance, vigilance, faire le plus de barrages, s’apprêter avec les sifflets et les casseroles pour mettre l’opération en marche parce qu’on sait qu’ils vont venir ce soir." "Ils", ce sont des hommes armés, qu’on dit venus de l’étranger. Une menace impossible à confirmer, mais elle sème la panique. Le quartier est sur le pied de guerre, chacun se barricade.
Une vie normale le jour, la peur de nuit
A 1h00 du matin, l’alerte est donnée, des intrus auraient été repérés. Robot monte au front. C’est le chef des opérations et l’un des seuls à se déplacer entre les barricades. "Ca, c’est notre seule défense… des barrages. Lorsqu’ils arrivent, on sait déjà qu’il y a quelqu’un qui arrive." Au prochain barrage des gamins surexcités arborent quelques gourdins et même une hache. Eux aussi disent avoir entendu des coups de feu. Trois heures plus tard, ils sont toujours là, ils n’ont pas baissé leur garde.
Cette nuit-là, nos correspondants n’ont pas vu d’affrontements. A 6h00 du matin, le jour s’est levé. Les habitants du quartier se sont réveillés, ils ont enlevé les barricades, rouvert le quartier à la circulation et la vie a repris son cours normal. Pourtant, depuis une semaine, les habitants du quartier vivent dans la peur.