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Le limogeage du chef de la diplomatie en dit long sur les luttes de pouvoir à Téhéran

Téhéran n’a toujours pas motivé le limogeage surprise du chef de la diplomatie iranienne Manouchehr Mottaki. Un évènement, qui selon les observateurs, serait symptomatique des luttes politiques au sommet de l'Etat.

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Manouchehr Mottaki, a appris son limogeage lundi, au Sénégal, alors qu'il était en voyage officiel. Au lendemain de cette décision prise par le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, aucune explication n’a encore été fournie par le pouvoir. Le chef du programme nucléaire iranien, Ali Akbar Salehi, a été nommé provisoirement à ce poste clé du régime.

Derrière un limogeage inattendu, la présidentielle de 2013

Surprenant si l'on considère la manière abrupte avec laquelle il a été annoncé, ce limogeage express n’a pas pour autant pas étonné les observateurs de la scène politique iranienne. "La mésentente entre Ahmadinejad et Mottaki est assez ancienne, de part leur appartenance à des courants conservateurs différents. Le limogeage de ce dernier s’inscrit dans le cadre d’un bras de fer politique en vue de la présidentielle de 2013", explique à France24.com, Bernard Hourcade, directeur de recherches au CNRS et spécialiste de l’Iran.

Partisan de la ligne dure du régime islamique iranien, Mottaki avait été nommé ministre des Affaires étrangères en août 2005. Il est réputé très proche du président du Parlement Ali Larijani, principal opposant d’Ahmadinejad et probable candidat à la présidentielle de 2013. "Le président iranien cherche à assoir sa légitimité personnelle, moins prestigieuse que celle du clan Larijani, composé d'idéologues conservateurs comme Mottaki", résume Bernard Hourcade.

Pour plusieurs journaux iraniens, l’éviction de Mottaki serait la conséquence d'un conflit larvé, créé par la décision de la présidence de confier à une poignée de proches conseillers certaines missions diplomatiques sensibles. Une sorte de "diplomatie parallèle mise au point pour isoler Mottaki et affaiblir le camp Larijani", précise Bernard Hourcade.

Salehi, un modéré apprécié par l’Occident

Le timing de cet évènement n’est toutefois pas anodin. Il intervient alors que Téhéran et la communauté internationale ont repris, la semaine dernière, les discussions autour du programme nucléaire iranien, après une interruption de 14 mois. Un deuxième round de négociations est prévu fin janvier à Istanbul. Officiellement, l'Iran a assuré mardi que ce remaniement gouvernemental n'affecterait pas le dialogue sur ce dossier controversé et a rappelé que le ministère ne faisait qu'appliquer la politique du président.

Contrairement à Mottaki, qui est intransigeant sur le dossier nucléaire pour des raisons idéologiques, "Ahmadinejad aime se présenter comme l’homme qui négocie, que ce soit à Vienne, à Genève ou encore avec les Brésiliens et les Turcs", explique Bernard Hourcade. En nommant aux Affaires étrangères Salehi, un négociateur modéré très apprécié des Occidentaux, "le président iranien cherche à obtenir à un accord sur le nucléaire, qui serait acceptable pour les Iraniens et qu'il présentera alors comme une victoire personnelle", conclut l’analyste.

Diplômé du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT) - avant la révolution islamique de 1979 - Salehi dirigeait jusqu’à présent l’Organisation iranienne à l’énergie atomique (OEAI). Cet ancien ambassadeur auprès de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), avait notamment signé en décembre 2003 le protocole additionnel par lequel Téhéran acceptait un contrôle renforcé de ses activités nucléaires par l'AIEA. Un protocole salué à l’époque par la Communauté internationale mais révoqué par le régime, peu après l’élection d’Ahmadinejad en 2005.