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Emballement de la Toile après la supposée libération de Sakineh

La rumeur d’une libération de l'Iranienne Sakineh Mohammadi-Ashtani a embrasé le web jeudi dès les premières dépêches. Un emballement qui s’est essoufflé en quelques heures avant que la rumeur ne soit finalement infirmée par un média iranien.

Ce vendredi, à 7h07, l’Agence France Presse (AFP) a confirmé que Sakineh Mohammadi-Ashtiani était toujours emprisonnée à Tabriz, en Iran, en s'appuyant sur des informations données par la chaîne iranienne en anglais Press-TV. Les rumeurs autour de sa libération étaient donc infondées.

Si les développements intervenus en fin de soirée, la veille, laissaient penser qu'un tel dénouement devait venir contrer la rumeur, les informations et messages évoquant la libération de l'Iranienne et de ses proches ont tout de même eu le temps de prendre une ampleur considérable.

Une propagation virale quasi-instantanée

Jeudi soir, à 19h34, l’AFP publie un "urgent" [information à caractère prioritaire, ndlr] annonçant la libération de Sakineh Mohammadi-Ashtiani, ainsi que celles de son fils et de son avocat. L’information émane d’une source associative allemande : le Comité international anti-lapidation, basé à Berlin.

Sur les réseaux sociaux, Twitter en tête, les messages de joie se multiplient. Mais vingt minutes plus tard, l’AFP apporte un premier développement à l’information. "Nous avons reçu cette information d'Iran qu'ils sont libres", explique à l'AFP Mina Ahadi, porte-parole du Comité international anti-lapidation. La représentante de l’association tempère néanmoins : "Nous attendons encore une confirmation : il y a apparemment ce soir un programme qui doit être diffusé à la télévision, et là, nous le saurons à 100%. Mais oui, nous avons entendu qu'elle était libre, et aussi son fils et son avocat".

Sur la Toile, des photos de Sakineh, comme elle est appelée, avec son fils, commencent à être diffusées. Le Parti communiste iranien, notamment, publie plusieurs clichés.

Peu avant vingt heures, l’effervescence a déjà gagné l’ensemble du web. Sur son site Internet, la Repubblica est le premier média d’envergure internationale à faire tomber le conditionnel, et titre en Une "Sakineh à stata liberata".

En Italie, l’emballement n’est pas que médiatique. À 19h57, un nouvel urgent de l'AFP tombe : "Iran : le ministre italien des Affaires étrangères se réjouit de la libération de Sakineh."

Après l'euphorie, le scepticisme

Ailleurs en Europe, la réaction est plus mesurée. À Berlin, les autorités démentent être au courant de ces libérations : "Nous ne pouvons confirmer ces informations", explique un porte-parole à l’AFP.

Vers 21h30, le Quai d’Orsay, toujours sollicité par l’AFP, emboîte le pas de son voisin : "Nous cherchons à vérifier l'information. Nous n'avons pas de confirmation."

Sensiblement au même moment, la Toile se met au diapason du scepticisme ambiant. The Guardian, qui titrait jusqu’alors "Sakineh Ashtiani – woman sentenced to death by stoning in Iran – is free, say campaigners" ("Sakineh Ashtiani - la femme condamnée à mort par lapidation en Iran - est libre, selon des militants", ndlr), fait marche arrière et opte pour l’utilisation de guillemets : "Sakineh Mohammadi Ashtiani ‘freed’ after outcry over stoning sentence" ("Sakineh Mohammadi Ashtiani 'libérée' après un tollé contre sa condamnation pour lapidation").

Dans la foulée, la rédaction du quotidien britannique opte pour un titre beaucoup plus réservé : "Sakineh Mohammadi Ashtiani ‘at home’ pictures trigger confusion over her fate." ("Sakineh Mohammadi 'chez elle', des clichés sèment la confusion autour de son sort"). Peu avant 23 heures, la grande majorité des médias qui avaient pris le pli de la Repubblica ont fait marche arrière. La question de l’origine des clichés est désormais au cœur des recherches. Le Guardian et l’AFP, suivis par Reuters, évoquent la diffusion d’une bande-annonce sur Press-TV, une chaîne d’information d’État iranienne

en langue anglaise, comme origine possible de la rumeur. Une séquence qui montre notamment des images de Sakineh et de son fils, dans leur maison au nord-ouest de l’Iran.

Ce matin, la chaîne Press-TV a donné quelques explications sur les raisons de cet emballement. Elle a donc indiqué sur son site Internet que les photos ne signifiaient pas la libération de l'Iranienne, "contrairement à la vaste campagne de propagande des médias occidentaux selon laquelle Mme Mohammadi-Ashtiani, meurtrière avouée, a été libérée". Les photos, indique encore la chaîne, ont été prises alors qu'une équipe de production de Press-TV accompagnait Mme Mohammadi-Ashtiani chez elle, avec l'aval de la justice, "pour le tournage d'une reconstitution des détails du meurtre de son mari sur la scène du crime". Une reconstitution qui a été assimilée à une libération de fait.