, envoyé spécial à Abidjan – Au lendemain d'un scrutin historique au cours duquel les électeurs étaient appelés à choisir qui, de Laurent Gbagbo ou d'Alassane Ouattara, dirigera le pays jusqu'en 2015, les Ivoiriens attendent les résultats du vote avec impatience.
Le second tour de l’élection présidentielle ivoirienne s’est achevé dimanche à 17 heures, mais, ce lundi matin, une foule est encore amassée devant l’un des bureaux de vote du quartier William-Ponty, dans la commune de Yopougon, à Abidjan. "Les agents de la CEI [Commission électorale indépendante, NDLR] viennent chercher leur per diem, s’agace une observatrice électorale issue de la société civile. Cela provoque un tohu-bohu pas possible qui nous empêche de nous concentrer."
Dans une grande pièce voisine trône une montagne d’urnes remplies de bulletins. À l’intérieur, les secrétaires des cinq centres de vote de William-Ponty tentent de poursuivre le décompte des voix malgré le brouhaha. Il n’y a pas de temps à perdre : les procès-verbaux doivent être envoyés au siège de la CEI avant midi. Mais à Yopougon comme dans d’autres quartiers d’Abidjan, la vérification des résultats accuse un peu de retard…
Accusations d’obstruction
La CEI ne dispose pourtant que de 72 heures pour proclamer les résultats provisoires du scrutin, qui a opposé le président sortant Laurent Gagbo à l’ex-Premier ministre Alassane Dramane Ouattara (ADO). Pressée par la mission des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) et les observateurs internationaux qui craignent qu’une trop longue attente ne favorise les rumeurs et les tensions, l’institution, seule habilitée à rendre public le verdict des urnes, espère pouvoir annoncer les premières tendances dans la journée.
En attendant, les états-majors des deux camps, qui se sont engagés à plusieurs reprises à respecter le verdict des urnes, se disent confiants. Mais dénoncent, l’un et l’autre, des irrégularités et des obstructions un peu partout dans le pays… La Majorité présidentielle (LMP), sous les couleurs de laquelle concourt Laurent Gbagbo, évoque "un scrutin non-transparent" dans le nord, bastion de l’ex-rébellion des Forces nouvelles (FN), où deux personnes auraient trouvé la mort dimanche, selon le ministère de l’Intérieur. Un bilan que le cabinet du Premier ministre, Guillaume Soro, a qualifié de "dangereusement partisan".
Du côté du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), qui soutient Alassane Ouattara, on fustige les intimidations et les pressions exercées sur des électeurs dans le sud-ouest et dans le centre-ouest du pays, où l’Onuci a confirmé la mort de trois personnes hier (deux militaires et un civil). Des incidents qui pourraient amener la CEI à réexaminer les résultats des bureaux de vote concernés mais qui ne devraient toutefois pas remettre en cause le vote de dimanche.
Lors d’une conférence de presse organisée ce lundi, le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en Côte d’Ivoire, Young-Jin choi, a affirmé que "la majorité des Ivoiriens ont pu exprimer leur voix dans un climat démocratique". Soucieux de couper court aux "rumeurs, soupçons et fausses alertes", le patron de l’Onuci a par ailleurs indiqué que le transport des procès-verbaux, dont l’organisation a la charge, se passait normalement. "Je ne doute pas que la volonté du peuple ivoirien sera respectée", a-t-il tenu à rassurer.
Taux de participation en baisse
Quelque 5,7 millions d’Ivoiriens étaient inscrits sur les listes électorales pour désigner leur président. Au vue de l’affluence dans l’isoloir, ce second tour semble avoir enregistré une participation moindre que lors du premier tour, le 31 octobre. Plus de 80 % des électeurs inscrits s’étaient alors rués, dès les premières heures du jour, dans les bureaux de vote.
À quelques heures de la proclamation des résultats, l’issue de ce scrutin censé rétablir l’unité d’un pays mis à mal par une décennie de crises politico-militaires reste donc incertaine. Durant la campagne du second tour, les deux finalistes n’ont pas ménagé leurs efforts pour s’attirer les faveurs de l’électorat de l’ancien président Henri Konan Bédié (1995-1999), arrivé en troisième position le 31 octobre avec plus de 25 % des voix.
Pour Laurent Gbagbo comme pour Alassane Ouattara, l’équation est assez simple : crédité de plus de 38 % des suffrages exprimés à l’issue du premier tour, le chef de l’État sortant doit s’adjuger la moitié des voix de son prédécesseur pour espérer sortir vainqueur du scrutin. ADO, qui a réalisé un score de 32,03 %, doit quant à lui rassembler les deux tiers de l’électorat de Bédié pour être en mesure de l'emporter. Si ce dernier a appelé à voter Ouattara au second tour, rien n’indique cependant que ses électeurs ont voté comme un seul homme pour le candidat du RHDP.
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