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PME, proies faciles de la mondialisation ?

Cent cinquante deux licenciements dans une usine de l’entreprise Plysorol… Voici l’un des effets collatéraux de la mondialisation. Le Journal de l’Intelligence économique d’Ali Laïdi a mené l’enquête pour comprendre comment cette PME centenaire, qui a été leader européen dans le contre-plaqué, en est arrivée là. Enquête.

L’usine de Plysorol, située à Lisieux, est désertique, en cette mi-octobre 2010. Toutes les machines, autrefois très actives, sont éteintes. Certains de ses employés ont passés une grande partie de leur vie dans cette entreprise. Dominique a par exemple travaillé 33 ans dans cette usine de Normandie. Pourtant, l’industriel libanais qui a repris l’entreprise le 11 octobre dernier, compte remercier deux tiers des effectifs de Plysorol.

Sur place, les employés pointent tous un doigt accusateur vers le repreneur précédent : M. Zhang Guohua, un entrepreneur chinois, qui avait repris en avril 2009 les rênes de cette usine spécialisée dans le bois. Micheline, salariée chez Plysorol depuis 32 ans, exprime sa colère et ce qu’elle pense de M. Guohua, que tous appelle « Monsieur Zhang » : « Un arnaqueur, un voleur qui n'avait qu'un objectif : les forêts du Gabon. A partir du moment où il nous a repris, il n'a jamais investi, il ne nous a jamais commandé de bois. »

Le maire de Lisieux lui-même explique que l’entrepreneur n’avait pas respecté sa part du contrat : « Je ne vais pas dire qu'il a trahi, je vais dire qu'il n'a pas respecté ses engagements. Et d'ailleurs le ministre que j'ai rencontré de s'y trompe pas car une enquête pénale pour abus de bien social est engagée à l'encontre de M. Zhang »
Monsieur Zhang avait pourtant promis, dans un courrier datant de mars 2009 et conformément aux réquisitions de la justice, de ne pas démanteler l’entreprise. Mais un an plus tard, il trahit ses engagements. Le 30 mars 2010, il envoie un mail à ses clients et leur propose de leur vendre une ou même deux usines de Plysorol. Visiblement ce qui intéresse ce financier est ailleurs : « Tout le monde sait que ce qui intéresse les éventuels repreneurs, ce n'est pas le site de Lisieux mais l'exploitation de l'Okoumé au Gabon »

L’Okumé est un arbre apprécié pour le contreplaqué. Au Gabon, Plysorol possède les droits d’exploitations sur 550 000 hectares de forêt. Zhang Guohua a voulu mettre la main dessus. Il a d’abord stoppé les activités sur les sites d’exploitation : un rapport officiel du ministère des eaux et forêts du Gabon constate que les chantiers sont vidés de leur personnel et du matériel. En conséquence, le bois n’est plus envoyé en France. D’après les salariés de Plysorol, il partait en Chine. « C'est honteux, on n’a rien surveillé de la forêt gabonaise. Tout est parti pour la Chine et maintenant on s'étonne que nos usines soient à zéro… Mais forcément, les clients sont partis ailleurs ! », dit Monique, une employée excédée.

En mars 2010, Monsieur Zhang et son directeur général, M. Wu, demandent au ministre gabonais des eaux et forêts de transférer les permis d’exploiter de Plysorol vers une autre société chinoise. La tentative de détournement a échoué mais elle a mis à genou l’usine de Lisieux.

Pour Bertrand Terreux, consultant en Intelligence économique et président du site IE Love PME.com, cette affaire soulève un autre problème : « Ce qui m’inquiète, c’est de voir que le gouvernement français n’a pas détecté l’importance de ces 600 000 hectares de bois rares, au Gabon. A peu près la superficie de Hong Kong ! »

Quoiqu’il en soit, à Lisieux, l’espoir s’est éteint…et la bienveillance de la Basilique Saint-Thérèse ne peut pas grand-chose face aux soubresauts de la mondialisation.