Pour le Parti socialiste, le fauteuil de président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde) laissé vacant par l'arrivée de Jeannette Bougrab au gouvernement laisse craindre la disparition pure et simple de l'institution.
Après six années d’existence, les jours de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) sont désormais comptés. Après la nomination, dimanche 14 novembre, de sa présidente Jeannette Bougrab au poste de secrétaire d'État à la Jeunesse et à la Vie associative, certains parlementaires de la majorité s’en prennent à l'institution. Mercredi dernier, le député UMP des Bouches-du-Rhône, Richard Mallié, et 80 de ses collègues ont demandé puis obtenu le gel du budget de la Haute autorité pour l’année 2011.
Contacté par France24.com, Richard Mallié s’est défendu de vouloir la peau de la Halde. "Je n’ai jamais voulu sa suppression, je dis simplement que sa gestion financière a été catastrophique et qu’en période de restriction budgétaire, tout le monde doit faire un effort. La Halde devra donc faire mieux avec autant", indique le député, tout en déplorant "le train de vie exceptionnel de l’institution."
Dérangeant pour le pouvoir ?
La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) a été créée à la fin 2004 par le plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo, alors ministre de l'Emploi, pour aider toute personne victime de pratiques discriminatoires. Elle dispose de pouvoirs d’investigation pour instruire les dossiers. Elle peut exiger des documents et des preuves que la victime n’a pas pu obtenir, aller vérifier sur place et entendre des témoins. La Halde émet également des avis et des recommandations auprès du gouvernement, du Parlement et des autorités publiques afin d’améliorer les textes de loi et de faire progresser l’état de droit.
Au Parti socialiste (PS), la charge portée à l'encontre de la Haute autorité ainsi que le silence de l’Élysée qui, pour l'heure, refuse de s'exprimer sur la vacance à la tête de l'institution, n’ont pas surpris. "Depuis longtemps, le gouvernement voulait la tête de la Halde, qu'il jugeait trop indépendante", explique George Pau-Langevin, députée socialiste du XXe arrondissement de Paris. La Halde s’oppose régulièrement aux décisions du gouvernement. Elle avait notamment fermement critiqué les tests ADN pour les candidats à l’immigration, ce qui avait heurté les idéaux de certains parlementaires. Sa liquidation est en marche depuis le printemps", affirme-t-elle.
En mai, les sénateurs ont en effet adopté un projet de loi qui pourrait entraîner la suppression et le transfert des pouvoirs de la Halde au Défenseur des droits, sorte de super-médiateur chargé de veiller au respect des droits et des libertés.
Une mise sous tutelle que dénonce l’opposition. "Faire tomber la tête de la Halde puis geler ses financements, c’est une façon détournée de fragiliser une institution qui fonctionne trop bien", regrette George Pau-Langevin. Une accusation dont se défend Richard Mallié. "Pourquoi voudrions-nous dissoudre une institution que nous avons nous-mêmes créée ?" s’offusque-t-il.
Un patronat réticent "aux exigences éthiques"
En 2009, la Haute autorité avait enregistré 10 545 réclamations, soit une augmentation de 69 % par rapport à 2007. Même si elle ne crée pas directement de jurisprudence, la Halde influe sur les décisions des magistrats, qu'il s'agisse de procédures pénales, administratives ou civiles. Dans près de 80 % des cas où elle accompagne une personne devant les tribunaux, ses observations connaissent une suite favorable.
Des chiffres qui dérangent une partie du patronat "réticente aux exigences éthiques", accuse George Pau-Langevin. Selon la députée, la disparition de la Haute autorité est de mauvais augures : "Fondue dans une autre structure, elle ne sera plus aussi efficace. Exactement ce que recherche le gouvernement."
Reste que le texte des sénateurs doit être examiné à la mi-décembre par les députés et approuvé "pour que l’arrêt de mort de la Halde soit signé". Mais selon Richard Mallié, une grande partie de la majorité semble déjà acquise à ce scénario qui présente l'avantage, en période de disette budgétaire, de regrouper plusieurs institutions et donc de rationaliser leurs coûts de fonctionnement.