, envoyés spéciaux en Haïti – En avril 2008, des émeutes contre la vie chère éclatent un peu partout à Haïti. L'explosion des prix alimentaires et une agriculture en crise en sont les principaux responsables.
A Cayes, au sud d’Haïti. C’est ici que les émeutes ont éclaté en avril dernier. Ici, l’argent manque, la nourriture manque, l’eau manque. « Il n’y a rien pour survivre. La nourriture que Dieu a créée est devenue un luxe. C’est pourquoi nous avons déjà manifesté plusieurs fois ici. Nous devons exprimer nos problèmes et nos inquiétudes », exhorte Charles Jean-Daniel, un étudiant de 27 ans.
Au-delà de la détresse, c’est la colère contre le gouvernement jugé complètement inactif qui a incité la population à descendre dans les rues. Ici, et sur toute l’île, les services publics sont inexistants. « Si le gouvernement n’est pas capable de nourrir son peuple, ce n’est pas un gouvernement ! On doit donc se faire entendre car les Haïtiens sont des têtes de mule et sinon ils ne nous écouteraient pas », lance un autre jeune de Cayes. Le mouvement a été initié par les jeunes de la région, excédés et affamés. Il s’est ensuite répandu sur toute l’île. Bilan : six morts et des centaines de blessés, sans compter la chute du gouvernement.
Haïti, déjà peu épargnée par les cyclones, est aujourd’hui un des pays les plus pauvres au monde. Plus de 70% de la population vit avec moins de deux dollars par jour, en dessous du seuil de pauvreté. La terre des Caraïbes découverte par Christophe Colomb en 1492 est aujourd’hui complètement dépendante de ses importations, principalement en provenance des Etats-Unis. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Dans les années 1980, l’île produisait 95% du riz consommé. Depuis, les différents gouvernements ont délaissé la production agricole, préférant importer massivement.
Conséquence : aujourd’hui la fertile région d’Artibonite, à l’ouest de l’île, qui a longtemps été le grenier du pays, a perdu tout son attrait. Le constat est accablant : les routes sont détruites, le système d’irrigation est défaillant et les engrais chimiques ont vu leur prix multiplier par 100. Sans compter que les paysans doivent aussi faire face aux conflits terriens avec des grands propriétaires, qui les dépossèdent de leur terre.
Aujourd’hui, les regards sont tournés vers le président René Préval, qui s’est engagé à enrayer la famine. Mais le temps presse.