La reconduction de François Fillon au poste de Premier ministre devrait permettre à Nicolas Sarkozy de se recentrer sur sa fonction présidentielle. Et de préparer son éventuelle candidature à sa propre succession en 2012.
C’est un fait inédit sous la Ve République. Depuis le début de cet été, les membres du gouvernement français ont travaillé sans savoir à quelle sauce ils allaient être mangés lors du remaniement annoncé pour l’automne.
Au lendemain de la cuisante défaite de la majorité aux élections régionales de mars 2010, des voix s'étaient élevées à droite pour réclamer un remaniement immédiat du gouvernement. Une manière de dire aux Français que leur vote et leur mécontentement avaient été entendus.
Pour calmer le jeu, le président Nicolas Sarkozy avait alors procédé à des ajustements minimes, faisant entrer au gouvernement le chiraquien François Baroin et le villepiniste Georges Tron.
Sarkozy mène le bal
"La valse des ministres et des ministères donne une image ridicule de notre pays, il y aura donc une nouvelle étape de l'action politique, que je conduirai, après la réforme des retraites, à la fin du mois d'octobre, comme je l'ai toujours indiqué", se justifie alors le chef de l’État, en juillet.
Dans le même temps, l'affaire Woerth-Bettencourt est venue accentuer la pression sur l’exécutif. Mais, malgré les soupçons de conflit d’intérêts, le président soutient ouvertement son ministre du Travail, Éric Woerth, et exclut tout changement de gouvernement immédiat. Objectif : ne pas donner l'impression que l'État plie face aux scandales.
Surtout, le chef de l’État ne peut pas se permettre politiquement de changer de cap alors qu’Éric Woerth est chargé de mener les négociations sur la réforme des retraites, l’une des mesures-phares du quinquennat Sarkozy. Il faudra donc attendre cet automne, la promulgation de la loi sur la réforme des retraites et l’essoufflement de la contestation des syndicats pour changer le gouvernement.
Finalement, ce dimanche, François Fillon a été reconduit au poste de Premier ministre, au détriment du ministre de l’Écologie, de profil centriste, Jean-Louis Borloo, un temps pressenti, et a été chargé de nommer un nouveau gouvernement qui devrait être connu au plus tard lundi matin.
"La séquence de ce week-end, après cinq mois de remaniement annoncé à l’avance, a pour but de montrer très nettement que c’est Nicolas Sarkozy qui conduit le bal, même si François Fillon est plus populaire que lui", souligne Christian Makarian, directeur adjoint de l’hebdomadaire "L’Express" sur l’antenne de FRANCE 24.
La présidentielle de 2012 en ligne de mire
Peu après l’annonce de sa reconduction, le locataire de Matignon a déclaré s’engager "dans une nouvelle étape" qui doit mener la majorité jusqu’à la fin du quinquennat avec, en ligne de mire, l’échéance présidentielle de 2012.
Si les relations entre les deux hommes à la tête de l’exécutif ont parfois été compliquées, Nicolas Sarkozy a renouvelé sa confiance en celui qui jouit d’une grande popularité dans l’électorat de droite et auprès des parlementaires de la majorité. Politiquement, l’image de François Fillon, sobre et rigoureuse, complète idéalement le tempérament de "président hyperactif" de Nicolas Sarkozy.
En maintenant François Fillon à son poste, "Nicolas Sarkozy va pouvoir se centrer sur la symbolique présidentielle, au travers la présidence du G20, et, en tant que futur candidat, d’ouvrir des chantiers plutôt à droite sur des thématiques comme la sécurité ou l’immigration", analyse Stéphane Rozès, politologue et président de la société Conseil analyse et perspectives (Cap). Soit consolider son socle électoral en mettant en place un programme ancré à droite. Une stratégie qui s’était avérée payante en 2007…