
La presse britannique s’est réveillée en colère au lendemain des débordements qui ont terni la manifestation étudiante dans les rues de Londres. Elle s’en prend particulièrement aux "anarchistes" et à la police jugée trop "molle".
"Idiots”, "Comportement puéril”, titrent The Sun et le Daily Telegraph. À l’image de ces quotidiens britanniques, la plupart des journaux ne mâchent pas leurs mots ce matin contre "ces voyous qui ont pris en otage la manifestation étudiante" de mercredi. La photo du jeune manifestant encagoulé qui fait voler en éclats les vitres de la Tour Millbank –le quartier général du parti conservateur- illustre la plupart des Unes de ce jeudi matin en Grande-Bretagne. "Rien ne peut excuser ces scènes anarchiques", s’emporte le tabloïd The Sun.
Les débordements ont donc largement relayé au second plan la mobilisation de ces quelque 20 000 à 50 000 étudiants venus manifester dans la capitale londonienne contre le projet gouvernemental de tripler les frais de scolarité dans les facultés. Un échec pour les étudiants...
"Quelle que soit l'opinion de chacun sur les frais de scolarité, il faut reconnaître que la journée de mercredi a été tragique pour le mouvement étudiant", témoigne dans les colonnes du Guardian un étudiant de Leeds, Chris Lovell, qui avait fait le déplacement jusqu’à Londres. "Cependant, la violence générée par une petite minorité, qui n’était même pas étudiante, à la fin de la manifestation n'aurait pas dû cacher la forte mobilisation".
Incidents les plus violents depuis 20 ans
Les médias ont toutefois pris soin de distinguer la marche pacifique des actes de vandalisme. "La plupart des étudiants ne sont pas des voyous ou des vandales, précise The Sun. La majorité d’entre eux ne cherchait pas la violence". "Ces scènes de débordements sont les plus violentes dans le pays depuis les manifestations contre les impôts locaux il y a vingt ans", rappelle The Independent.
The Daily Mail pointe du doigt "les anarchistes" et "les militants d’extrême gauche qui ont attisé les esprits des étudiants de classe moyenne". Le journal précise qu’un ancien de Class War, un groupe d’anarchistes connu pour avoir un passif violent, a été identifié lors des incidents hier.
Des policiers débordés
Autre cible des médias : la police qui fait également l’objet de vives critiques. À travers son titre "Idiots", The Sun s’adresse également aux policiers "qui n’ont pas réagi". "La police prise de court par la manifestation étudiante ", indique The Daily Telegraph. "Même si la police savait depuis des semaines que plusieurs milliers d’étudiants allaient défiler autour du QG des Tories, près du Parlement de Westminster, elle a été prise au dépourvue". "Dans un premier temps, seuls 20 policiers barraient la voie vers la Millbank Tower. Il a fallu plusieurs heures pour que des renforts ramènent le calme", s’étonne le journal.
Il s’agissait du premier test pour la police londonienne depuis les bavures commises lors des manifestations anti-G20 en avril dernier. "Hier, on a vu le résultat de l’approche hyper molle proposée par Sir Denis [O'Connor, qui a conduit le rapport sur la police lors des manifestations du G20]", écrit le journal. "Nul doute que la police devra faire face à des critiques acerbes pour avoir encore échoué."
Frais universitaires jusqu'à 10 500 euros
De son côté, The Guardian s’interroge sur ce que pensent les Britanniques des réformes engagées. "L'opinion reste partagée concernant les mesures d'austérité du gouvernement. Beaucoup reconnaissent qu'elles sont nécessaires mais jugent aussi qu'elles sont trop rapides et trop profondes."
Actuellement, les frais d'inscription pour les étudiants britanniques et européens dans les universités anglaises ne peuvent pas dépasser 3 777 euros par étudiant et par an. Mais le gouvernement du conservateur David Cameron veut autoriser les universités à les fixer à 7 000 euros maximum, et dans "des circonstances exceptionnelles" à 10 500 euros.
"Aller à l’université devrait être une décision basée sur la méritocratie et non sur le nombre de zéros alignés sur le compte en banque de ses parents”, déplore l’étudiant de Leeds dans The Guardian, qui regrette de ne pas avoir été entendu.
The Independent prédit toutefois de nouvelles actions sociales car "cette manifestation vient de mettre un terme au consensus politique promis par David Cameron en s'installant au 10 Downing Street il y a six mois".