De nouveaux attentats visant la minorité chrétienne d'Irak ont fait plusieurs victimes mercredi. Choqués par l'attaque du 31 octobre qui a fait plus de 50 victimes dans une église, les membres de cette communauté cherchent à fuir.
Al-Qaïda semble avoir mis sa menace à exécution. Après l'attentat contre une église syriaque catholique du centre de Bagdad, le 31 octobre, le réseau terroriste d'Oussama Ben Laden avait affirmé que les chrétiens étaient désormais "une cible légitime des moudjahidines". Ce mercredi matin, au moins trois personnes ont été tuées dans une série d'attentats.
"La série d'attaques a commencé tôt ce matin, vers 6 heures, dans cinq quartiers de Bagdad, raconte Fatma Kizilboga, correspondante de RFI à Bagdad. Elles visaient des maisons où vivent des familles chrétiennes. Des bombes artisanales ont été utilisées, mais il y a eu aussi au moins deux tirs d'obus de mortiers, ce qui est plus inquiétant."
Selon les forces de police irakiennes, au moins trois personnes ont été tuées et une trentaine blessées. Une source du ministère de la Défense a évoqué le chiffre de six victimes. Pendant la nuit, trois explosions avaient déjà retenti devant les maisons de familles chrétiennes, dans le quartier de Mansour.
"Cela va pousser encore plus de chrétiens à émigrer"
Ces attentats n'ont pas encore été revendiqués, mais tous les soupçons se portent sur Al-Qaïda. L'État islamique d'Irak, un groupuscule affilié à cette nébuleuse, a revendiqué l'attaque contre l'Église Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours, qui a fait une cinquantaine de victimes.
"Ces attaques ajoutent au sentiment de panique qui commence à se diffuser parmi les chrétiens d'Irak, explique Lucas Menget, envoyé spécial de FRANCE 24 à Bagdad. Les gens sont nombreux à arriver ici, au domicile de l'archevêque syriaque catholique de Bagdad, Monseigneur Matoka. Ils viennent avec leur passeport, un sac, pour demander de l'aide."
"L'archevêque ne cesse de répéter à ces familles : ne fuyez pas, ne fuyez pas, il faut rester en Irak, poursuit Lucas Menget. Mais la majorité de ces chrétiens cherche à fuir, le plus rapidement possible."
La communauté chrétienne de Bagdad, cible d'attaques récurrentes depuis la chute de l'ancien président Saddam Hussein en 2003, a vu le nombre de ses membres passer de 450 000 à quelque 150 000 en sept ans, selon l'AFP, en raison d'un exode massif. Près de 40 chrétiens d'Irak sont arrivés lundi soir en France, où 1 300 chrétiens d'Irak ont été accueillis depuis 2007.
De nombreuses personnalités irakiennes se sont à plusieurs reprises inquiétées de cet exode. "Les pays qui ont accueilli des victimes de l'attaque [du 31 octobre] à l'étranger ont adopté une position noble, mais il ne faut pas que cela favorise l'émigration", a répété mardi le Premier ministre irakien, Nouri Al-Maliki.
Dissensions politiques sur le partage du pouvoir
Les chrétiens ne sont pas la seule cible des violences. Trois attentats à la voiture piégée ont tué une trentaine de personnes dans trois villes chiites lundi ; le 2 novembre, une série de onze attaques coordonnées a fait 63 victimes et près de 300 blessés.
Cette recrudescence de violence intervient alors que l'Irak tente toujours de former son gouvernement, huit mois après les élections législatives de mars. Le Parlement est censé désigner jeudi son président et élire un chef de l'État, qui désignera ensuite un chef du gouvernement.
Mais l'opposition entre Nouri Al-Maliki, le Premier ministre sortant, et Lyad Allaoui, soutenu par la communauté sunnite, reste tenace concernant le partage du pouvoir. Plusieurs dirigeants opposés à Nouri Al-Maliki, en position de force au Parlement, se sont retirés des discussions mardi.