Trente-six Irakiens victimes de l'attentat perpétré contre une église de Bagdad, le 31 octobre, sont arrivés à l'aéroport parisien d'Orly, lundi soir. Ils ont été accueillis par le ministre français de l'Immigration, Éric Besson. Reportage.
Nadia est venue chercher son cousin et sa femme, blessée par un éclat de bombe qui lui a perforé le dos. Inas, elle, ne connaît personne à la sortie de l’avion. Ses deux amis ne sont pas ressortis vivants de l’église syriaque Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours de Bagdad, attaquée le 31 octobre par une milice islamiste proche d’Al-Qaïda. Mais elle s’est rendue à l’aéroport par solidarité.
Le vol Aigle Azur qui s’est posé tard dans la soirée de lundi sur le tarmac de l’aéroport d’Orly, au sud de Paris, a acheminé en France 57 Irakiens - 36 victimes de l’attentat contre l’église de la capitale irakienne et 21 personnes chargées de les accompagner.
Les blessés ont été immédiatement acheminés vers une quinzaine d’hôpitaux de la
région parisienne, où ils seront intégralement pris en charge.
Accompagnées de dizaines de bénévoles irakiens et français de l’Association d’entraide aux minorités d’Orient (AEMO), les personnes valides - des enfants, des personnes âgées et des femmes qui ont du mal à retenir leurs larmes pour la plupart - ont, elles, été directement conduites dans un foyer d’accueil, à Créteil. Elles y seront hébergées jusqu’à ce que leurs proches sortent de l’hôpital. Après, elles auront le choix : rester ou partir.
"Il ne faut plus avoir peur, leur a expliqué Élisabeth Gobry, vice-présidente de l'AEMO. Vos familles vont à l’hôpital et, en France, les hôpitaux sont modernes."
La politique d’immigration de la France, entre "fermeté" et "générosité"
Les 57 Irakiens arrivés en France lundi pourront recevoir une carte de séjour provisoire de six mois renouvelable avec autorisation de travail avant d’avoir la possibilité de faire une demande d’asile politique qui leur sera "généreusement accordée", a promis le ministre français de l'Immigration, Éric Besson, venu en personne à l’aéroport.
"La douleur des blessés et des personnes qui les accompagnent est palpable. Ils ont vécu un cauchemar, l'horreur absolue. Une femme me racontait que sa mère a vu ses enfants mitraillés dans ses propres bras", a déclaré celui-ci lors d’une conférence de presse au cours de laquelle il a fait part de sa "vive émotion".
Alors que Paris a été vivement critiqué cet été pour sa politique d'expulsion des Roms, Éric Besson a justifié la cohérence de sa politique d’immigration, un équilibre entre "fermeté" et "générosité" : "Il y a deux facettes : il faut être ferme en matière de lutte contre l'immigration irrégulière, intolérant avec les filières d’immigration clandestine et, en même temps, savoir être généreux et fidèle à notre tradition humaniste".
L’accueil de chrétiens d'Irak s'inscrit dans le cadre d'une initiative, annoncée en 2007 par Nicolas Sarkozy, visant à faire venir en France des Irakiens "appartenant à des minorités religieuses vulnérables". Depuis cette date, 1 300 chrétiens d'Irak ont été accueillis dans l'Hexagone. Après l'attaque du 31 octobre, Éric Besson a demandé à ses services d'accueillir 150 personnes supplémentaires.
"C'est notre terre"
Quarante-six personnes ont péri et plus d’une soixantaine ont été blessés lors de l’attaque de l’église de Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours à Bagdad. Attaqués en pleine messe par un groupe de la mouvance d'Al-Qaïda, l'État islamique d'Irak (ISI), les fidèles ont subi un calvaire de plus de cinq heures.
À l’arrivée de l’avion, on parle d’une femme enceinte qui s’est fait tirer dans le dos, de deux enfants mitraillés dans les bras de leur grand-mère et d’un père qui a sauvé la vie de son fils en donnant la sienne.
Douraïd George a été sauvé par un couple qui, dans la panique, s'est pressé contre lui. L'homme et la femme, qui l'ont protégé en faisant rempart de leur corps contre les balles des terroristes, sont morts ; lui s’en est sorti avec une balle dans la cheville gauche et une autre au-dessus du genou. "Je suis effaré par la froideur des terroristes. Ils ont laissé certains blessés se vider de leur sang pendant deux heures", raconte-t-il à l’AFP. Aujourd'hui, Douraïd veut rester en France.
Mais pour Aydin Yacoub, prêtre de l’église syriaque de Paris venu accueillir ses coreligionnaires irakiens à l’aéroport, l’immigration n’est pas la solution. "Nous voulons que les chrétiens soient protégés en Irak. L'immigration, c'est l'échec. Nous sommes là-bas depuis des siècles, c'est notre terre."
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