Pour cette 9e édition, la Route du Rhum prend une dimension inédite. Avec 86 skippeurs au départ, suivis par plus d'un million de spectateurs et d'intenautes, la transat entreprend sa révolution.
Plus que quelques heures avant le départ des 86 skippeurs qui se lanceront dès dimanche à l’assaut de l’Atlantique dans la mythique Route du Rhum. Pour cette 9e édition, 1,2 million de spectateurs sont attendus sur les quais de St Malo. Certains pour admirer ces hommes et ces femmes qui braveront les rudes conditions de la mer, d’autres viennent rêver par procuration.
Économie contre poésie
Si à l’instar de Titouan Lamazou, skippeur devenu artiste-peintre, la mer a inspiré marins et admirateurs, la course dévoile un aspect plus mercantile. L'autre explication à ce phénomène d’attraction est une logique économique implacable. "La voile est un sport populaire pour le public et offre un énorme retour sur investissement en termes de notoriété, avec des valeurs fortes et saines, le tout pour un budget à cent lieues de ceux du foot ou du cyclisme," explique froidement Pascal Cadorel du groupe alimentaire Sodebo, parrain du skippeur Thomas Coville.
Qu’importe de savoir si les gens viennent pour se balader en famille ou rêver d’embruns, cette année la Route du Rhum sort le grand jeu. La superficie du village installé pour l'occasion a augmenté de près de 15 % avec 123 exposants. "Les stands sont plus petits, mais on a plus d'exposants", note Pierre Bojic, directeur général de Pen Duick, la société organisatrice, qui évite d'aborder son chiffre d'affaires. Sur l'eau, les navires à passagers, qui offriront dimanche une vue imprenable sur le départ moyennant 160 à 400 euros par personne, font aussi le plein, avec pas moins de 10 000 clients attendus, en majorité des invités de sociétés.
La Route du Rhum fait sa révolution technologique et numérique
Pour la première fois, la Route du Rhum fait son apparition sur tablettes et autres smartphones. Une application permet un "suivi cartographique de la position de chaque bateau pendant la course (en temps réel au départ et à l’arrivée)", ainsi que "la consultation des photos, vidéos, classements et actualités de la course", précisent conjointement Pen Duick, société organisatrice de l'épreuve, et Niji, qui a réalisé l'application. Et si vous souhaitez vous élancer dans la course derrière votre iPhone ou votre ordinateur, la société de jeu en ligne Virtual Regatta propose aux internautes de prendre le départ à bord d’un multi ou d'un monocoque de votre choix. Déjà 87 500 joueurs se tiennent prêts à larguer les amarres virtuelles.
Mastodontes des mers et expérience humaine
Dans le monde réel, humide et froid de l’océan, la course pour battre le dernier record de la transat - détenu par Lionel Lemonchois, en 7 jours, 17 heures et 19 minutes - s’annonce serrée. Pour la première fois depuis 1986, la taille des bateaux ne sera pas règlementée et de véritables géants, tellement grands qu’ils n’ont pu accoster dans le port de Saint-Malo, ont fait leur apparition à l’horizon.
Dans cette catégorie dite "Ultime", le Sodebo de Thomas Coville et ses 32 m, Groupama 3 de Franck Cammas (31,5 m), IDEC de Francis Joyon (29 m), Oman Air Majan de Sidney Gavignet (32 m) ou encore celui de Yann Guichard (Gitana XI, l'ancien bateau vainqueur en 2006 rallongé de 5 mètres), devraient, si Neptune et Éole le veulent bien, arriver en tête de peloton à Pointe-à-Pitre.
Derrière les colosses, la bataille que vont se livrer les neuf monocoques IMOCA (60 pieds/18,28 m) promet d'être royale, avec un concentré rare de talent et de technologie. Michel Desjoyeaux (Foncia), vainqueur du dernier Vendée Globe tentera le doublé comme Titouan Lamazou en 1990, Armel Le Cleac'h (Brit Air), Vincent Riou (PRB), Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3), Marc Guillemot (Safran) ou Roland Jourdain (Véolia Environnement) se détachent en raison de leur expérience et du potentiel de leur voilier.
Si hommes et machines sont prêts à hisser les voiles et prendre la mer, la seule qui se fait désirer est aujourd’hui la météo. Car une dépression au large des côtes menace déjà les marins. Skippeur d'Akena Vérandas (classe Imoca), Arnaud Boissières imagine encore des scénarii bien différents: "Ce n'est vraiment pas simple. La dépression se déplace et les modèles ne disent pas la même chose. On peut partir avec 10 noeuds de vent au portant ou avoir 20 noeuds d'ouest au départ avec un 30 noeuds bien chargé au passage d'Ouessant. En attendant d'être fixés, on s'attend à de la brise et le bateau est préparé en fonction." Malgré l’évolution des technologies et des avancées numériques, la mer aura toujours le dernier mot.