
Après de trois semaines de guerre dans la bande de Gaza, les régimes arabes sont-ils prêts à surmonter leurs divisions historiques ? Et à contredire le dicton qui veut que "les Arabes se sont mis d’accord pour ne jamais l’être".
A chaque fois qu’un membre de la Ligue arabe doit faire face à une grave crise politique, c’est l’unité des pays arabes qui est mise à l’épreuve. Lundi dernier depuis le sommet économique de Koweït City, le roi Abdallah d’Arabie saoudite a invité les dirigeants arabes à mettre de l’ordre dans leur maison : "Je vous appelle au nom de Dieu à vous élever au-dessus de nos différences et à décevoir les attentes de nos ennemis en prenant une position honorable." Et au souverain wahhabite d’ajouter : "Permettez-moi, au nom de tous, de proclamer que nous avons dépassé la phase de divergences et ouvert la voie à la fraternité et à l’unité de tous sans exclusive."
Vœu pieux ou changement de cap ? Pour Tahan Bassam, chercheur à l’Ecole pratique des hautes études de Paris, il est clair qu’un vent nouveau souffle sur le monde arabe. "La guerre de Gaza a réussi à mettre d’accord des Etats qui avaient des visions complètement opposées sur la question palestinienne ainsi que sur la place du Hamas et du Hezbollah sur l’échiquier politique arabe, constate l’universitaire. L’Egypte a, par exemple, compris qu’elle risquait d’être confrontée à de graves problèmes internes si elle continuait à s’aligner sur les thèses américaines."
"Le sommet du Qatar et de Koweït City ont brisé la glace"
Cette même guerre a également mis en lumière deux visions contradictoires. Défendue par l’Egypte, l’Arabie saoudite et la Jordanie - l’axe modéré, aligné sur les positions américaines -, la première consiste à soutenir l’Autorité palestinienne et l’initiative de paix avec Israël signée à Beyrouth en 2002.
La seconde vision soutient le Hamas ainsi que le Hezbollah et défend leur droit à la résistance face à Israël. Ce point de vue est celui notamment de la Syrie et du Qatar, deux pays partisans d’une ligne dure à l’égard de l’Etat hébreu.
C’est cette dernière école qui semble gagner du terrain, selon Tahan Bassam. En témoigne, dit-il, le changement de position opéré par l’Arabie saoudite.
En effet, Ryad, dans un langage inhabituel, a averti Israël que l’initiative de paix décidée au sommet de Beyrouth en 2002 ne "peut pas rester indéfiniment sur la table et que le choix entre la paix et la guerre ne doit plus durer".
Pour Fayçal Jelloul, écrivain libanais, spécialiste du monde arabe, "il est vrai que la réconciliation inter-arabe est en marche, mais elle demeure encore fragile. Le camp modéré s’est rendu compte, à la lumière de la guerre à Gaza, du décalage existant entre ses propositions et la rue arabe". Aux yeux de Fayçal Jelloul, "le sommet du Qatar et de Koweït City ont au moins permis de briser la glace entre les leaders arabes, qui ont pu constater ensemble qu’Israël n’a rien fait de l’initiative de paix décidée au Liban en 2002."
Mais l’unité arabe peut-elle réellement se faire sans la réconciliation des factions palestiniennes d’abord entre elles, puis avec l’Autorité palestinienne dirigée par Mahmoud Abbas ? Les nombreuses réunions programmées dès aujourd’hui au Caire, en Egypte, entre tous ces belligérants apporteront sans doute de nouvelles réponses.