Alors qu'une réquisition par le préfet de Seine-et-Marne des salariés grévistes de la raffinerie de Grandpuits a été suspendue par la justice pour atteinte "illégale" au droit de grève, la préfecture a émis un deuxième arrêté du même type, vendredi.
AFP - Le préfet de Seine-et-Marne a pris vendredi soir un 2e arrêté de réquisition de grévistes de la raffinerie de Grandpuits, juste après que la justice administrative eut suspendu un premier arrêté qui avait entraîné le déblocage du dépôt de carburants par les gendarmes.
Dans la nuit de vendredi à samedi, Franck Manchon, délégué CGT de la raffinerie Total, a annoncé à l'AFP que le préfet Jean-Michel Drevet avait pris un deuxième arrêté de réquisition afin d'empêcher un nouveau blocage du site, en grève et à l'arrêt depuis le 12 octobre.
La préfecture de Seine-et-Marne n'était pas joignable dans la nuit.
Saisi en référé, le tribunal administratif de Melun avait suspendu dans la soirée un premier arrêté préfectoral de réquisition des salariés grévistes de Grandpuits, jugeant que cet arrêté avait "porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de grève et que son exécution à ce titre doit être suspendue".
La grève - dont le droit est garanti en France par la Constitution - est une cessation collective et concertée du travail destinée à appuyer des revendications professionnelles.
Dans le privé
Tout salarié a le droit de faire grève. L’employeur pourra retenir la part du salaire correspondant à la durée de la grève.
Dans le public
Toute grève, même si elle est inférieure à une journée, donne lieu à une retenue de 1/30e de la rémunération mensuelle. Toutefois, dans les fonctions publiques hospitalière et territoriale, la retenue sur salaire est strictement proportionnelle à la durée de la grève.
Certains personnels ne disposent pas du droit de grève (police, CRS, militaires…). D’autres sont astreints à un service minimum (agents hospitaliers…).
Le juge administratif reprochait au préfet d'avoir réquisitionné "la quasi-totalité du personnel de la raffinerie", ce qui "a eu pour effet d'instaurer un service normal" au sein de l'entreprise.
Toutefois, il avait estimé que "cette décision ne fait pas obstacle à ce que le préfet puisse, le cas échéant, faire usage" de ses pouvoirs, dans les limites prévues par la loi.
M. Manchon a précisé que le 2e arrêté était "plus motivé et circonstancié" que le premier, sans plus de détails, et parlé d'"un jeu du chat et de la souris" avec les autorités.
La situation était calme sur place, selon le syndicaliste, qui a promis un nouveau référé lundi devant le tribunal administratif de Melun.
Vendredi matin, des gendarmes mobiles et des grévistes s'étaient brièvement battus à mains nues devant la raffinerie: en quelques minutes, l'entrée du site avait été dégagée et le dépôt de carburants débloqué.
Les syndicats avaient fustigé une "charge scandaleuse", qui a fait, selon eux, trois blessés brièvement hospitalisés. L'intervention s'est déroulée "dans le calme" et sans incident, a assuré le ministère de l'Intérieur.
Outre l'intervention musclée et la réquisition des salariés de la raffinerie, les grévistes déploraient vendredi matin l'absence de dialogue avec les pouvoirs publics et en rejetaient la responsabilité sur le gouvernement.
Pour Mohamed Touis, "tant qu'il n'y a pas de médiateur, comme le ministre de l'Industrie, on ne voit pas comment on peut s'en sortir, d'autant qu'il y a 12 raffineries en mouvement dur".
Les 12 raffineries de l'Hexagone sont en grève et les six du groupe Total sont à l'arrêt. Et "sur les 92 ou 93 (dépôts) très importants, il n'y en a plus que 14 qui sont bloqués", avait dit jeudi le ministre de l'Ecologie et de l'Energie, Jean-Louis Borloo.
"Face à l'autisme du gouvernement, nous sommes obligés de mener ce type d'action. Il n'y a que ça qui peut marcher face à ce gouvernement qui préfère passer en force sans tenir compte des aspirations des salariés", a déclaré Thierry Gaignon, militant FSU de Seine-et-Marne.
Les grévistes de Grandpuits avaient reçu vendredi le soutien de plusieurs partis de gauche. Olivier Besancenot (Nouveau Parti Anticapitaliste) a proposé "aux premiers responsables" des partis politiques, associations et syndicats de "réagir ensemble" face à ce qu'il a décrit comme une "attaque du droit de grève".
Le Parti communiste français avait dénoncé une "évacuation scandaleuse", "violente", et "une très grave remise en cause du droit de grève". Martine Billard, porte-parole du Parti de Gauche, a évoqué une "guerre sociale" menée par Nicolas Sarkozy, "ami +décomplexé+ du Medef".