
Environ 40 % des 13 000 stations-service françaises sont concernées par la pénurie de carburant, ce mercredi. Les premiers effets de cette situation se répercutent dans certains secteurs, notamment dans le domaine des travaux publics.
Une station-service sur trois en panne sèche en France... Et c'est le branle-bas de combat à l'Élysée. Le président français, Nicolas Sarkozy, a ordonné mercredi le déblocage de la totalité des dépôts de carburants, "afin de rétablir au plus tôt une situation normale".
Malgré la mobilisation du gouvernement, 3 190 stations - sur 12 311 - sont "momentanément vides" mercredi, selon le ministre de l'Écologie et de l'Énergie Jean-Louis Borloo, et 1 700 manquent d'essence ou de gazole.
"Si la situation perdurait, des entreprises seraient sacrifiées et des emplois seraient supprimés", a également prévenu le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, lors d'une conférence de presse dans la matinée.
Secteur du tourisme, de la santé, des travaux publics, du transport, petites et moyennes entreprises... Quelles sont les conséquences réelles de cette pénurie ? Réponse avec trois professionnels.
"Près de 10 000 personnes sont au chômage technique"
Patrick Bernasconi, président de la Fédération nationale des travaux publics
"Nous sommes touchés par cette pénurie. D'abord parce que les entreprises qui construisent les routes n'ont plus de bitume. Le bitume est un liant qui provient directement des raffineries, il n'existe aucun stock de bitume ni dans les entreprises ni ailleurs. Les entreprises sont en train de s'arrêter de fonctionner et près de 10 000 personnes sont déjà au chômage technique - le secteur des travaux publics représente au total environ 300 000 personnes.
Nous avons aussi des problèmes en ce qui concerne l'approvisionnement en matières premières, le béton par exemple, ce qui risque d'entraîner le blocage de milliers de chantiers. Comme ils manquent de carburant, les camions ne peuvent plus nous livrer les matériaux dont nous avons besoin.
Enfin nos propres véhicules, qui manquent de gazole, ne pourront bientôt plus circuler.
Nous avons demandé au gouvernement de pouvoir utiliser nos réserves de fioul, l'équivalent du gazole mais moins taxé. Cela pourrait nous permettre de fonctionner pendant quelques jours.
Nous avons ressenti les premiers signes de cette crise il y a une semaine, et ça s'est fortement accentué à partir de vendredi. Depuis dimanche nous sommes assaillis par les appels de chefs d'entreprise profondément inquiets. Cette pénurie intervient à un moment où la profession est déjà frappée par la crise économique, nous n'avions pas besoin de ça.
Sur la retraite, qui est un sujet sérieux, nous sommes en phase avec les propositions émises par les syndicats patronaux. Il ne faut pas mélanger la question des retraites avec le blocage général de l'économie... C'est une minorité de personne qui bloque tout le pays."
"On ne dispose pas d'accès prioritaire aux pompes"
Jean-Claude Françon, président de la Fédération Nationale des Taxis Indépendants (FNTI)
"On est traité comme les particuliers. Il n’y a pas de régime de faveur pour les taxis, on fait la queue aux pompes à essence comme tout le monde.
Pour l’instant, je n’ai pas eu d’information concernant des taxis ayant été contraints d’interrompre leur activité par manque de carburant. Mais certaines pompes à essence commencent à nous limiter à 20 litres, si ca continue comme ca on risque d’être bientôt à sec.
Malgré nos demandes répétées au ministère de l’Intérieur, on ne dispose pas d’accès prioritaire aux pompes alors que près de 50 % des taxis de France assurent des déplacements d’ordre sanitaire comme le transport de personnes sous dialyse. Si on ne peut plus les prendre en charge, qui va s’occuper d’eux ?
La situation devient très compliquée un peu partout en France malgré les promesses qu’on nous fait à la télévision. Ici, dans le Rhône, on trouve de moins en moins de stations ouvertes, pareil pour les collègues du Var ou d’Eure-et-Loir, qui m’ont alerté ce matin.
Ca suffit maintenant, il faut qu’ils nous laissent travailler. Il n’y a pas de solidarité avec les bloqueurs et les grévistes au sein des chauffeurs de taxi, chez nous on part à la retraite à 65 ou 70 ans."
"Il y a des difficultés majeures, mais pas de conséquences en terme de santé"
Serge Nossovitch, délégué général de la chambre nationale des services d'ambulances
"Il y a des difficultés, mais les situations sont variables suivant les entreprises et les départements. Certaines entreprises ont des réserves de carburant propres alors que d'autres doivent aller à la pompe. Dans environ une dizaine de départements, le gouvernement a mis en place des listes de stations réservées aux besoins prioritaires, auxquelles nous avons accès. Ailleurs, il considère que l'on n'a pas encore atteint le seuil critique et que l'on peut encore s'approvisionner, même si cela prend du temps.
Bien sûr, quand nous n'avons pas accès à des stations prioritaires, nous avons des difficultés majeures pour travailler. On constate des retards dans des transferts à l'hôpital pour des examens, des rendez-vous... Il y a des difficultés, mais pas de conséquences en termes de santé. Quand une vie est en jeu, ou pour des situations graves, nous sommes en contact avec les services d'aide médicale d'urgence (SAMU).
Nous sommes en relation avec notre ministère de tutelle, le ministère de la Santé. Les Agences régionales de la santé recueillent les informations sur le terrain et gèrent la situation directement avec les préfectures. Si la situation perdure, nous aurons certainement accès partout à des stations prioritaires comme les pompiers, le Samu, les médecins, les infirmiers..."