
Jusqu'à ce lundi, Tal al-Mallouhi, une blogueuse de 19 ans, était emprisonnée près de Damas depuis 9 mois sans qu'aucune charge ne soit retenue contre elle. Les autorités syriennes l'ont finalement accusée d'espionnage au profit des États-Unis.
Depuis le 27 décembre dernier, Tal al-Mallouhi, une jeune Syrienne de 19 ans, est en prison sans qu’aucune charge n’ait été retenue contre elle. Elle est l’une des plus jeunes blogueuses jamais mises derrière les barreaux en Syrie. Un emprisonnement sans justification, jusqu’à ce lundi quand une source anonyme des services secrets syriens a expliqué à l’agence de presse américaine Associated Press qu’elle était soupçonnée d’ "espionnage pour le compte d’un pays étranger" et qu’elle était impliquée dans une "tentative d’attentat contre un officier syrien".
Un développement qui laisse les organisations de défense des droits de l’Homme d’autant plus perplexes qu’on ne connaît à Tal al-Mallouhi aucun passé d’activiste politique ou d'écrits critiques contre le régime. "Attention, jusqu’à maintenant, il n’y a eu aucune prise de position officielle des autorités et c’est cela que nous attendons, et non pas la déclaration d'une simple source anonyme", affirme Nadim Houry, qui suit le dossier syrien pour l’ONG Human Right Watch.
Poésie et Palestiniens
Pour les organisations de défense des droits de l'Homme, le sort de cette fille est un cas d’école des dérives sécuritaires et de l’arbitraire du régime de Bachar al-Assad. Ce n’est pas la première fois qu’une arrestation est dénoncée en Syrie. Mais dans le cas de la blogueuse, personne ne comprend ce qui a pu lui valoir un tel traitement. Son blog parle essentiellement de poésie et du sort des Palestiniens. Rien de sulfureux. "Il y a certes trois ou quatre passages qui évoquent la liberté mais en des termes tellement généraux qu’ils ne peuvent absolument pas être pris pour une attaque contre le régime", souligne Nadim Houry. La famille de Tal al-Mallouhi est catégorique : la jeune fille ne s’est jamais intéressée à la politique.
L'absence de motif d'arrestation ne permet pas de savoir si elle peut être qualifiée de prisonnière politique. "En 2007 et 2008, une dizaine de personnes ont été arrêtées pour leurs écrits sur Internet, mais tous ont assez rapidement été jugées pour avoir affaibli le sentiment national", rappelle Nadim Houry. Rien de tel dans le cas de Tal al-Mallouhi. "Elle n’a même pas encore vu de juge", précise Maha Abu Shama, responsable de campagne en Syrie pour Amnesty International.
Jusqu’à la semaine dernière, même sa famille n’avait eu aucune nouvelle d’elle. Sa mère avait, chose rare en Syrie, écrit une lettre ouverte à Bachar al-Assad pour savoir si sa fille était toujours en vie. Finalement, jeudi dernier, ses parents ont pu lui rendre visite à la prison pour femmes où elle a été transférée récemment. Il semblerait qu’elle aille bien, d’après les propos rapportés dans la presse officielle syrienne. "Ce qui nous inquiète, c’est ce qui s’est passé pendant les près de huit mois où elle était au centre de détention de la sécurité d’État car nous savons qu’on y pratique la torture", explique Maha Abu Shama.